Sao Tomé, une singulière histoire humaine

Tchiloli, acteur, Sao Tomé

Explorateurs du XVIème siècle, colons et africains ont fait naître dans cette petite île du golfe de Guinée un théâtre unique au monde en mêlant leurs traditions. De façon bien plus sombre, c’est aussi ici qu’à survécu jusqu’à l’indépendance en 1975 une forme d’esclavage sévère dans les plantations de cacao. Découvrons cette destination rare, cette terre oubliée.

 

 Représentation de tchiloli, Sao Tomé

 
 
 
Sao Tomé et Principe : deux minuscules poussières posées au centre du golfe de Guinée, sur l’équateur, à quelques 300 km des côtes gabonaises. Le pays se dispute avec les Seychelles le titre de Paysage côtier, Sao Tomé« plus petit état d’Afrique ».
 
Les quelques milliers de voyageurs qui viennent chaque année découvrir l’île principale de Sao Tomé sont d’abord attirés par la forêt primaire luxuriante, les pitons volcaniques, les nombreuses espèces endémiques.
 
Mais au milieu de cette nature, les hommes ont forgé ici une histoire singulière.
Découvrons-là autour de sa tradition théâtrale unique et en rappelant le sort douloureux des contratados, esclaves jusqu’en 1975.
 
Ecoutez (ou téléchargez) l’émission que nous avons consacré à Sao Tomé :
 

 

Le Tchiloli : quand Charlemagne épouse l’Afrique

 
Découverte par les Portugais à la fin du mois de décembre 1470, le jour de la Saint-Thomas, l’île de Sao Tomé commence à se Tchiloli, danseur, Sao Tomépeupler dans les décennies qui suivent.
 
Des colons portugais viennent y chercher fortune dans la canne à sucre. Des esclaves africains sont amenés ici de force. La base du peuplement saotoméen est posée.
 
Ce sont certainement, à la fin du XVIème siècle, des baladins portugais venus distraire des planteurs qui amènent à Sao Tomé les chansons de geste de la vieille Europe (certains chercheurs penchent pour une arrivée plus tardive, voir en bas l'article*). Ensuite, les domestiques noirs des plantations vont jouer ces pièces pour leurs maîtres. Dans ce contexte, un épisode du cycle de Charlemagne va connaître un étrange destin en se mariant aux traditions animistes africaines.
Adapté, africanisé, remanié, « la tragédie du marquis de Mantoue et de l’empereur Charlemagne » va devenir le Tchiloli.
 
Costumes chatoyants, rubans, miroirs, intermèdes musicaux, danses, langue créole locale, vieux portugais et enfin masques Tchiloli, Sao Toméforment les ingrédients d’une représentation qui dure plusieurs heures.
 
Le pitch, comme on dit aujourd’hui, est simple : Charlemagne mène le procès qui doit condamner à mort sont fils Don Carlotto, auteur d’un crime passionnel. L’empereur est tiraillé entre la raison d’état et son amour filial.
En suivant cette trame, les Saotoméens racontent d’autres histoires, plus profondes, cachées, qui arrivent des entrailles de l’Afrique. Françoise Gründ, auteur de « Tchiloli : Charlemagne à Sao Tomé, sur l’île du milieu du monde » détaille la symbolique sophistiquée de ce théâtre dans l’émission ci-dessus.
 
Tchiloli, Sao Tomé Tchiloli, Sao Tomé Tchiloli, Sao Tomé
 
Presque cinq siècles après sa naissance, le tchiloli est toujours vivant, mouvant même. Si les rôles et les costumes se transmettent de pères en fils, les Saotoméens prennent des libertés avec la représentation. Ils l’adaptent au goût du jour sans renoncer à la tradition. Il ne faut donc pas être surpris par les nombreux anachronismes qui animent le récit (aujourd’hui les protagonistes peuvent avoir des téléphones portables… on y voit des militaires du XXème siècle…).
 
Dans la capitale ou dans les villages le tchiloli attire toujours du monde. Des troupes partent régulièrement dans le monde pour montrer ce théâtre syncrétique et original.
 

Les roças : des plantations au régime sévère

 
Sao Tomé possède un riche patrimoine architectural grâce aux Hôpital, roça d'Agua Izéroças, les grandes plantations (de cacao surtout). Aujourd’hui la plupart des bâtiments de ces exploitations sont délabrées et ouvertes aux quatre vents. Les murs sont rongés par l’humidité équatoriale. Mais ces échos d’un passé économiquement florissant restent impressionnants. Il suffit d’aller visiter les roças d’Agostinho Neto ou d’Agua Izé pour en être convaincu (voir photos).
 
Généralement, dans les plus grandes d’entre elles, ce n’est pas la maison du maître qui est mise en avant et prend des allures de château mais l’hôpital. Tout autour, les comboios, logements des ouvriers sont toujours occupés par des familles pauvres.
 
 
Hôpital, roça Agostinho Neto, Sao Tomé Comboios, roça d'Agua Izé, Sao Tomé
 
Mais derrière ces architectures remarquables, à sauver, se cache un univers concentrationnaire qui a perduré jusqu’à l’indépendance de l’île en 1975.
Sao Tomé est devenu au cours du XIXème siècle, « l’île chocolat », un « petit Brésil », en développant la culture du cacao. Cette production a atteint un tel niveau que ce petit caillou du golfe de Guinée s’est retrouvé au début du XXème siècle au premier rang mondial des producteurs de cacao.
Pour faire vivre cette économie à moindre frais, il fallait une main d’œuvre importante et servile.
 
Roça de Diego Vaz, Sao Tomé Comboio, Roça d'Agua Izé, Sao Tomé
 
Qu’importe que l’esclavage soit aboli. Les planteurs trouvent un autre moyen : les contrats.
Des Africains des autres colonies portugaises (Angola, Maître Marco, Diego Vaz, Sao ToméMozambique, Cap Vert) sont recrutés pour venir travailler à Sao Tomé. Mais une fois ici, les planteurs leur facturent le gîte et le couvert de manière à endetter à vie les ouvriers agricoles. Impossible de quitter la plantation avant d’avoir remboursé… Impossible aussi de quitter le domaine dans lequel on vit en milieu fermé et sous des règles quasi militaires.
 
Les grandes roças emploient alors 2 000 voire 5 000 personnes.
Maître Marco (photo), rencontré à Diego Vaz, nous a raconté son ancienne vie de contratado jusqu’à l’indépendance (écoutez l’émission).
 
L’époque des contratados est bien heureusement terminée. Sao Tomé n’est plus un grand producteur de cacao mais les fèves récoltées dans l’île sont réputées pour leur qualité et leur finesse (elles donnent naissance à un des meilleurs chocolats selon les spécialistes). Les quelques milliers de tonnes exportées aujourd’hui sont marginales sur le marché mondial mais elles restent importantes dans le difficile contexte économique local.
 

Comment aller à Sao Tomé

 
D’Europe des vols hebdomadaires partent de Lisbonne.
D’Afrique, Sao Tomé est principalement relié au Gabon.
 
En France, le spécialiste de la destination, c’est Mistral Voyages, à Marseille. Son directeur, Jean-Pierre Bensaïd, est tombé amoureux de l’île dont il est devenu un des principaux promoteurs et consul Aéroport de Sao Toméhonoraire.
 
 
Le voyageur curieux de nature et d’histoire choisira un séjour-découverte d’une semaine mélangeant excursions dans le parc national, visites de roças et de vestiges portugais plus anciens, plages et farniente.
 
 
Certains petits voyagistes spécialisés dans l’observation ornithologique, la botanique ou le treck proposent des voyages plus ciblés pour ces niches de passionnés.
Paysage côtier, Sao ToméL’île plaira aux amateurs d’écotourisme ou de destinations de charme.
 
 
Sao Tomé est une île assez riche et étonnante pour être surpris pendant une semaine entière.
On peut assez aller à Principe (pour les roças et les plages). Le voyage devient tout de suite plus cher à cause du vol intérieur et du peu d’hébergement disponible sur cette petite île (6 000 habitants).
 
 
Sao Tomé reste une destination très discrète, base arrière et feutrée de la vie tumultueuse des voisins angolais et gabonais. Pour le voyageur, c’est une terre au charme indéniable et une destination rare.
 
Femme revenant du port, Sao Tomé
Comme le dit un agent de voyage, témoignant dans un magazine professionnel après avoir découvert la destination : « Je conseillerais malgré tout Sao Tomé à des voyageurs avertis, des baroudeurs qui ne recherchent pas seulement le dépaysement balnéaire, même si plaisirs nautiques, pêche et plongée sont aussi au menu. C’est le paradoxe de cette destination : on voudrait la faire découvrir au plus grand nombre tant elle est insolite et attachante, mais aussi la préserver du tourisme de masse pour qu’elle reste ce secret bien gardé, un trésor d’exotisme au milieu de l’Atlantique ».
 
Cascade, Sao Tomé Paysage, Sao Tomé
 
Pour connaître les meilleures saisons, les formalités et tout autre renseignement pratique, allez voir le site Sao Tomé & Principe, bienvenue sur l'île chocolat.
 
Pour avoir encore d'autres images de la destination, regardez ce diaporama.

A lire et à écouter :

"Sao Tomé et Principe, les îles du milieu du monde", Dominique Gallet, Editions Karthala
 
« Tchiloli : Charlemagne à Sao Tomé, sur l’île du milieu du monde », Françoise Gründ, Editions Magelan et Cie
 
"Coup de théâtre à Sao Tomé", Jean-Yves Loude, Editions Actes Sud (Prix RFI Témoin du Monde 2008)
 
"Gabon, Sao Tomé et Principe" Guide Petit Futé
 
« Sao Tomé & Principe : musiques de l’île du milieu », CD Buda Records
 
Enfants, Sao Tomé
 
 
(Photos : Ludovic Dunod)
 
* Si vous lisez le portugais, Gerhart Seibert a rédigé cet article où il pense, selon ses recherches que le tchiloli a été introduit à Sao Tomé à la fin du XIXème siècle.
 

 

1 Comments

Votre blog est super, précis et complet.
Félicitations
Gérard FARRO
Recevoir Afrique

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