Il était une fois les Champs-Elysées...

Véritable emblème de la France et sa capitale, l’avenue mythique des Champs-Elysées, évoque, à elle seule, les grandes pages de l’histoire de notre pays. Mais la « plus belle avenue du monde » a certes beaucoup changé depuis sa création. Elle n’en demeure pas moins, par son allure exceptionnelle, un lieu de visite, de rendez-vous et de promenade unique au monde. Un livre à ciel ouvert à parcourir avec nous en long, en large et en travers…

Deux kilomètres de long, 70 mètres de large, 300 000 visiteurs qui s’y pressent chaque jour, jusqu’à 10 000 euros du mètre carré en vitrine, les Champs-Elysées affichent un pedigree insolent à vous donner le vertige. Quatre siècles après sa naissance, la fière avenue, située au cœur du « Paris-rupin », entre l’Arc de Triomphe et l’obélisque de la Concorde, demeure, au même titre que la Tour Eiffel, un symbole d’exception du charme et du chic parisien. A la fois temple du loisir et du shopping, lieu de défilés et de fêtes, les Champs rassemblent et ne laissent jamais indifférent. Cependant, cette notoriété masque une identité plus complexe. Une mosaïque à découvrir avec nous, sans idées reçues !

 

Ecoutez (ou téléchargez) l’émission que nous avons consacré à ce sujet :
 
 
 
 
 

Chapitre 1 : Ainsi commence la légende…

Difficile d’imaginer aujourd’hui, dans le brouhaha des voitures et de la foule qui règne sur les Champs, qu’à cet endroit même, au XVIIe siècle, on n’y trouvait que des marécages humides et sauvages pleins de gibier !
 
Au temps de Louis XIII, ces marais servaient de terrain de chasse au roi et c’est en 1616, pendant la régence de sa mère, Marie de Médicis, qu’il est décidé d’ouvrir non loin une promenade afin de prolonger le jardin des Tuileries. Cette promenade baptisée Cours la Reine (que l’on retrouve d’ailleurs encore aujourd’hui pour partie le long de la Seine) marque le début de l’aménagement de cette partie de campagne.
 
Mais ce n’est véritablement que sous le règne de Louis XIV que la voie est ouverte. En effet, quand le Roi Soleil décide de quitter sa résidence des Tuileries pour le Château de Versailles, il faut ouvrir un chemin carrossable à travers cette campagne pour faciliter la venue de ses courtisans. Ainsi donc commence la légende des Champs ! Vers 1670, sous les auspices d’André Le Nôtre, grand paysagiste du Château de Versailles et des Tuileries.
 
Mais ce tracé monumental ne prendra le nom de Champs-Elysées que plus tard, sous la Révolution Française, afin de faire oublier le cachet royal de l’avenue.
Le nom  « Champs-Elysées » fait alors référence au royaume des morts où selon la mythologie grecque (chère aux révolutionnaires) séjournaient les bienheureux.
 
Enfin, c’est en 1836 que l’avenue acquiert toute sa majesté quand s’élève l’Arc de Triomphe, décidé par Napoléon Ier en hommage à la Grande Armée victorieuse à Austerlitz vingt et un ans plus tôt. Dès le début, les Champs sont donc associés au prestige, aux grandes victoires historiques mais aussi à la noblesse et à l’élégance, véritable image de marque de l’avenue.
 

Chapitre 2 : Le rendez vous de toutes les élégances

Sous le Second Empire, les hôtels particuliers luxueux et les résidences bourgeoises commencent à fleurir le long de cette promenade bordée d’ormes et de larges contre-allées.
Les Champs deviennent alors le nouveau lieu à la mode, où il fait bon habiter, se balader mais aussi et surtout se montrer !
 
Grâce aux aménagements réalisés pendant les grands travaux du baron Haussmann par l’architecte français Jacques Hittorff au niveau du Rond-Point, les jardins se font plus accueillants et deviennent un lieu privilégié de loisirs et de divertissement où le tout Paris se presse. Sur l’avenue, tirées par de luxueux attelages, les élégantes viennent parader dans leurs plus beaux apparats.
 
Au XIXe siècle, on pouvait alors compter plus d’une dizaine d’hôtels particuliers rivalisant de splendeur et d’opulence. Malheureusement, depuis, l’appât du gain a eu raison de ces petits bijoux qui ont aujourd’hui quasiment tous disparus au profit de bâtiments plus modernes.
 
Seul demeure l’Hôtel de la Païva, une demeure fastueuse désormais classée Monument Historique et indissociable de sa propriétaire, une femme ambitieuse au destin très particulier: Esther Lachmann mieux connue sous le nom de la Païva.
 
Attirée par les lumières de Paris, cette jeune russe était promise à une vie modeste quand elle décide, à 20 ans, d’abandonner parents, maris et enfants. Les poches vides, elle traverse l’Europe pour atterrir dans la capitale où elle commence à vendre ses charmes dans le quartier des Lorettes. Insolente et bien déterminée à gravir les échelons, la courtisane conquiert rapidement le cœur de gentilshommes pour devenir finalement, après de stratégiques épousailles, Marquise de la Païva. La richissime et très coquette Païva décide alors de se construire sur les Champs-Elysées une résidence à la hauteur de son statut.
 
 
De nos jours, il faut s’y prendre à l’avance pour visiter ce petit joyau de style troubadour (un mouvement artistique du XIXe siècle qui a remis au goût du jour Renaissance et Moyen-âge). En effet l’Hôtel de la Païva, qui appartient aujourd’hui au Traveller’s Club, se découvre uniquement sur réservation (la liste d’attente est longue) et avec des conférenciers privés.
Mais la visite vaut sincèrement le détour tant le décor très préservé de cet hôtel particulier vous transporte dans un luxe d’un autre temps. Pierres précieuses, boiseries, peintures, jeux de miroirs et or fin, tout du sol au plafond évoque le destin de la Païva, une femme au goût très tapageur et clinquant.
 
A ne pas manquer, le plafond de la chambre de la marquise avec ses pendentifs néo-Renaissance et le magnifique escalier en colimaçon tout en onyx massif qui constitue la pièce maîtresse de cet hôtel !
 
Aujourd’hui encore, même s’il reste peu de vestiges de cette folle époque, les Champs demeurent associés au luxe et à une certaine volupté et tout au long du XXe siècle, les cabarets, comme celui du Lido inauguré en 1946, ont assuré le spectacle tout en strass et paillettes! 
 

Chapitre 3: Sous les pavés, l’histoire

Dès son origine au XVIIe siècle jusqu’à nos jours, l’avenue des Champs-Elysées a été le témoin et le théâtre des plus grands moments de l’histoire de France.
Le premier souvenir remonte à la Révolution Française quand la famille Royale décide de prendre la fuite. Reconnue à Varennes, elle sera ramenée manu militari aux Tuileries et en arrivant sur l’avenue, le petit peuple furieux forme un cortège et insulte les félons.
 
Sous l’Occupation ensuite, quand en 1870 et en 1940, respectivement Prussiens puis Allemands décident de s’emparer de ce symbole en défilant quotidiennement, cortège en tête, pour marquer avec force leur puissance et leur présence.
Puis à la Libération, à l’été 1944, quand des millions de Français venus célébrer la victoire de la France et ses alliés, viennent acclamer le Général De Gaulle qui dira en voyant cette véritable marée humaine : « Mais, c’est la mer ! »
 
Enfin, pendant les révoltes de mai 1968, alors que le Général De Gaulle voit son autorité vaciller face à une France en crise, quand des milliers de français décident de se retrouver sur les Champs-Elysées pour signifier leur soutien et leur confiance au Géneral afin qu’il rétablisse enfin l’ordre.
 
Sur les Champs, les symboles ont la vie dure et les rituels se perpétuent. Comme sous l’Arc de Triomphe, où chaque soir on ranime la Flamme du Souvenir près de la Tombe du Soldat Inconnu, en hommage aux combattants tombés pour la France. Un moment fort et là encore plein de symbolisme très patriotique. Car indiscutablement, les Champs-Elysées incarnent cet attachement à une certaine idée de l’ordre et de la Nation.
 
Sans surprise, c’est donc sur cette avenue triomphale que l’on célèbre les grandes victoires politiques, historiques ou bien sportives.
Les commémorations sur les Champs sont légion et les évènements culturels s’y succèdent que ce soit au moyen d’expositions temporaires ou d’opérations spéciales comme lors de Nature Capitale où les Champs recouverts de gazon et de plantes retrouvent leur allure champêtre d’origine.
 
Chaque année, des milliers de Français viennent aussi y commémorer la fête Nationale (jour de la prise de la Bastille en 1789) à l’occasion du défilé militaire du 14 juillet. Ils viennent également acclamer l’arrivée du Tour de France ou bien encore tout simplement y célébrer, dans le bruit et l’ivresse, champagne à la main, le passage à la nouvelle année.
 
Si le refrain de la célèbre chanson de Joe Dassin nous dit que l’« on trouve de tout aux Champs-Elysées », on pourrait aussi dire à son sujet qu’il s’y passe toujours quelque chose… En visite sur la célébrissime avenue, vous pouvez donc choisir votre moment. Au petit matin, quand la vie s’éveille lentement ou bien en plein rendez-vous festif parmi une foule en liesse. C’est comme vous voulez… aux Champs-Elysées !
 

Chapitre 4 : Côté jardins

Si vous cherchez un peu de répit et d’air pur sur les Champs, c’est aussi possible puisque du Rond-Point jusqu’à la Place de la Concorde s’étendent de part et d’autre des jardins avec de grandes fontaines et de paisibles carrés de verdure.  
 
Dans ces Jardins des Champs-Elysées, après avoir arpenté les deux kilomètres de l’avenue de haut en bas, il fait bon s’y réfugier à l’ombre salutaire des grands arbres protecteurs qui longent ses contre-allées sablonneuses. A l’abri dans cet écrin bucolique, on oublierait presque qu’on est à deux pas de la frénésie commerciale et touristique du haut de l’avenue !
 
Depuis leur création, ces jardins ont été le refuge de nombreux espaces culturels. Sous le Second Empire, cabarets, théâtres, cafés-concerts, cirques, bals en tout genre et même un palais des Glaces s’y étaient installés.
Aujourd’hui, il est encore possible d’en admirer les vestiges, comme par exemple au Théâtre Marigny, dont l’architecture en chapiteaux rappelle que cette place était auparavant celle des cirques.
 
 
Si vous souhaitez prolonger votre balade par des visites plus culturelles, entre le théâtre du Rond-Point, celui de Marigny ou bien encore le Petit Palais et le Grand Palais, qui offrent des expositions pertinentes dans des lieux extraordinaires, l’offre ne manque pas !
 
Enfin, si vous voulez vous plonger dans une ambiance poétique et surannée, nous vous suggérons notre coup de cœur : le petit théâtre de Guignol.

Installé sur l’avenue depuis 1808 et niché dans les buissons à l’abri des regards, ce joli théâtre de marionnettes très authentique vous fera certainement retomber en enfance.
 
Et après tant de marche et d’émotions, il vous faudra bien reprendre des forces !
Pourquoi pas en vous laissant tenter par le restaurant Lenôtre, installé dans le Pavillon de l’Elysée ? Sa lumineuse verrière et sa structure métallique qui vous plongent au temps de l’exposition universelle de 1900 est un havre de paix et de luxe dans ces jardins. 
 
 

Chapitre 5 : Côté boutiques et cafés …

 Autrefois résidentiels, les Champs ont dès le début du XXe siècle pris un virage plus « commercial » pour devenir aujourd’hui un véritable temple du shopping à ciel ouvert.
 
Sur l’avenue, côté pair, autrement appelé côté soleil, la fréquentation est particulièrement frénétique et les grandes enseignes de textile bon marché y ont poussé, au regret de certains, comme des gros champignons.
Si le phénomène s’est particulièrement accéléré ces vingt dernières années, l’avenue a cependant toujours abrité des galeries commerciales comme celle du Lido, des grandes surfaces (Prisunic en son temps), des cafés, des prêts à manger aujourd’hui appelés fast-food ou bien encore des show-rooms automobiles.
 
Avec ses 300 000 visiteurs par jour, les emplacements sur les Champs sont forcément très convoités et le prix du mètre carré en vitrine peut s’élever aujourd’hui à près de 10 000 euros.
 
Historiquement, ce sont d’abord les marques de luxe qui s’approprient les abords des Champs-Elysées. De la rue Montaigne à la rue Georges V, parfumeurs et joailliers se donnent rendez-vous pour former ce qu’on a appelé le triangle d’or.
A l’après-guerre, l’avenue commence à perdre de son prestige et les enseignes de luxe sont petit à petit remplacées par des commerces plus populaires. Puis dans les années 90, quand l’avenue regagne de sa splendeur après une rénovation de grande ampleur, les anciens locataires retrouvent la clé des Champs.
 
C’est notamment le cas du bagagiste Louis Vuitton, qui a inauguré en 2005 un nouveau bâtiment très imposant qui conjugue architecture de lumière, art contemporain et évidemment… sacs à main. Et peu importe le prix, chaque jour, des milliers de touristes, Japonais en tête, s’y précipitent pour se ruiner en achats ou tout simplement découvrir ce nouvel icône un brin bling-bling de la légendaire avenue.
 
La liste des nobles maisons installées sur les Champs est longue mais s’il y avait une seule adresse à retenir, c’est bien celle de la Maison Guerlain implantée depuis 1914 au numéro 68.
Sa façade classique, et presque confidentielle, cache un espace audacieux tout en or et en transparence que l’on doit à la grande prêtresse du design, Andrée Putman. Une expérience !
 
Enfin, côté cafés, si vous voulez vivre jusqu’au bout l’expérience Champs-Elysées, n’hésitez pas à pousser la porte du Fouquet’s. Cette mythique brasserie, datant de 1899 et fréquentée au départ par les cochets, est devenue tout au long du XXe siècle « the place to be ». Gentilshommes et belles dames venaient s’y rafraîchir après s’être diverti à l’hippodrome de Longchamp.
Et plus tard, ce sont d’innombrables célébrités du cinéma qui en font leur repère. Chaque année, l’établissement reçoit l’Académie des Césars pour un dîner de gala qui clôt la cérémonie de remise des prix du 7e art.
 
Classée monument historique, cette brasserie à la couleur rouge très distinctive est un véritable écrin capitonné où il vous sera permis de vous installer à la table préférée de cinéastes célèbres comme Michel Audiard, Marcel Pagnol ou bien encore Georges Clouzot. Last but not least, c’est aussi là que le président Nicolas Sarkozy a décidé de venir célébrer sa victoire le soir de son élection…
 

 

Chapitre 6 : Une identité contemporaine en mutation

Artificielle ? Trop touristique ? Trop cheap ? Trop bruyante ?
Quand on interroge les Parisiens sur les Champs, ils sont de moins en moins nombreux à dire les fréquenter, regrettant pour certains, avec une pointe de nostalgie passéiste, le temps jadis. Cependant, force est de constater que l’avenue, comme d’autres attractions touristiques, se doit d’évoluer tout en préservant son héritage et son patrimoine. Une tâche difficile...
 
L’air du temps est au shopping effréné ? Les Champs jouent le jeu, à la fois chic et bon marché. Il en faut pour tout le monde et toutes les bourses… Après, il faut reconnaître que les loyers exorbitants ont fait fuir les petits commerces comme les bureaux de Poste, les pharmacies ou les boulangeries.
 
Mais autour de l’avenue, tout près, il est encore possible de retrouver une vie de quartier très parisienne. Ainsi, sur les Champs, il y a bien plus que l’avenue qui vaut le détour ! Profitez de votre balade pour vous perdre dans les nombreuses voies perpendiculaires qui participent à préserver l’esprit populaire et authentique du quartier.
 
Côté architecture, l’avenue joue aussi aux équilibristes en s’efforçant à la fois de protéger son patrimoine et de se renouveler. Dans ce décor très disparate où les époques se mélangent en façade, il est possible de signaler deux architectures contemporaines particulièrement audacieuses qui font entrer les Champs de plein pied dans le XXIe siècle.
La première se trouve au numéro 133 tout en haut de l’avenue, au Publicis Drugstore. Ce concept-store parisien, imaginé dans les années 1950 par le publicitaire Marcel Bleustein-Blanchet, se déploie sur plus de 3 000 mètres carré et s’est offert début 2000 une sacrée cure de jouvence. Sa nouvelle façade de courbes et de blocs de verre inclinés, à la fois fragile et imposante, imaginée par l’architecte italien Michele Saee, dialogue étonnement bien avec l’Arc de Triomphe juste en face. A l’intérieur, vous pourrez également vous frotter aux grands noms du design contemporain qui, de temps en temps, viennent relooker le décor du drugstore.
 
 
A l’opposé des Champs, tout en bas donc, vous trouverez le show-room C42, seconde prouesse architecturale notable de l’avenue. Imaginé par l’architecte française Manuelle Gautrand, le bâtiment, tout en verticalité, fait penser à un origami géant de verre et présente en façade le fameux chevron de l’enseigne Citroën
Il raconte aussi comment l’avenue a toujours été témoin et partie prenante des progrès de l’automobile dont les grandes marques avaient toutes un show-room sur les Champs. Aujourd’hui, au C42, on peut se prélasser dans l’espace lounge ou découvrir des modèles anciens et des « concepts-cars » un peu folles.
 

Chapitre 7 : Infos pratiques

Pour bien préparer votre visite, vous pouvez consulter le site de l’Office du Tourisme de la Ville de Paris.
 
Allez aussi sur le site officiel de l’avenue. Il est bourré d’infos, de photos et d’actus en tout genre sur les Champs et rien que les Champs! Ils ont aussi une fan page sur Facebook.
 
Enfin, pour vous mettre dans le bain, avant d’arpenter en long et en large la grande avenue, n’hésitez pas à vous procurer le très joli ouvrage de Jean Paul Caracalla « Champs Elysées, une histoire » aux Editions La Table Ronde.
 

 

Page réalisée par Céline Develay-Mazurelle et Alice Milot

Crédits photos (dans l'ordre de gauche à droite et de haut en bas) : Traveller's Club, Lesser Ury, Alice Milot (A.M),سیمرغ ,H.C White Co, Traveller's Club, Traveller's Club, A.M, A.M, A.M, Jack Downey from the US Office of War Information courtesy of the U.S Library of Congress, champselysees.org, A.M pour les 10 photos suivantes, Louise Walsh, A.M, Fouquets Barrière, Fouquets Barrière, A.M, P.Kozlowski pour le Publicis Drugstore-Michele Saee et Bruno Pingeot Architectes, Manuelle Gautrand Architecte pour le C42, Docter73.