Le destin tragique du Prince Impérial

Il aurait pu devenir Napoléon IV mais il est mort, il y a 130 ans, sous l’uniforme britannique. Voyage entre l’Europe et l’Afrique sur les traces d’un Prince oublié.

 

 

 

Ecoutez ou téléchargez notre émission sur le Prince Impérial:

 


C’est un petit mémorial isolé au cœur du pays zoulou, en Afrique du Sud. Au milieu des collines, une stèle indique l’endroit exact où, le 1er juin 1879, s’est effondré Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, fils unique de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie.

Notre voyage sur les traces de ce destin singulier commence loin des terres africaines, au Musée Carnavalet à Paris. Le berceau de celui qu’on appelle affectueusement « Loulou » trône au milieu de la salle consacrée au Second Empire. Ce meuble d’or, d’argent, de bois précieux et de céramique a été offert par la ville de Paris. Les plus grands artistes de l’époque (Baltard, Froment-Meurice, Flandrin) ont dessiné et décoré ce petit lit, promesse d'un destin somptueux.

L’histoire continue au Château de Compiègne. L’Empereur et sa famille y passent quasiment tous leurs automnes, au moment des chasses. Ils y invitent tout ce que la France compte d’artistes et de personnalités. Dans le salon de famille, les visiteurs découvrent la petite chaise de « Loulou » qui aimait s'asseoir au milieu des adultes et participer à leurs conversations. Dans le salon des fleurs, l'enfant a laissé un graffiti sur une table de marbre. Mais c’est au second étage du château, dans l'actuel « musée de l’Impératrice », que dorment les souvenirs les plus émouvants de ce Prince très populaire de son vivant. Dessins d’enfant, jouets, costumes, tableaux, sculptures : plus qu’un musée, c’est un reliquaire. On y trouve même l’uniforme qu’il portait le jour de sa mort.

Le départ vers l’Angleterre

Le Prince a 14 ans quand sa vie bascule, en 1870. Son père est battu à la bataille de Sedan. La famille impériale est contrainte à l’exil Outre-Manche. Eugénie, Louis et Napoléon s’installent au domaine de Camden Place près de Londres. Le château de brique et la petite église du village sont toujours visibles dans une ambiance très vieille Angleterre.

Napoléon III meurt en 1873. Le Prince devient alors prétendant au trône impérial français. Il souhaite ardemment se préparer à cette fonction. Passionné d’armes et d’uniformes depuis l’enfance, il part étudier à l’académie militaire de Woolwich.

Devenu majeur, il reprend les rênes du parti bonapartiste et veut montrer qu’il n’est plus le « petit prince » adorable que les Français ont en mémoire. La meilleure manière de s’affirmer comme un homme et leader, c’est de partir se battre.

En février 1879, il embarque pour l’Afrique du Sud où l’armée anglaise est en guerre contre les Zoulous.

Parti en mission de reconnaissance, il est pris dans une embuscade le 1er juin. En tentant de fuir, la sangle de sa selle lâche. Il tombe. On le retrouve mort le lendemain, dépouillé de son uniforme britannique, transpercé de 17 coups de sagaie.

Un pèlerinage en Afrique du Sud

Une route du Prince impérial permet aujourd’hui d’aller jusqu’à Uqweqwe, là où s’élève la stèle commémorant la mort de Louis. L’itinéraire traverse les paysages du Kwazulu Natal et les villages Zoulous. Il fait étape à Pietermaritzburg, ville aux allures victoriennes, où le Prince a séjourné quelques jours.

L’hôtel Impérial et le Voortrekker museum conservent quelques traces de son passage. On peut aussi visiter la Chapelle Sainte Marie. Quelques jours après la mort du Prince, une messe y a été célébrée en présence de sa dépouille. Chaque année, le dimanche le plus proche du 1er juin, Pietermaritzberg rend hommage au jeune Prince français.

Le voyage s’achève en Angleterre, à l’abbaye Saint-Michael’s de Farnborough. C’est la dernière résidence de l’impératrice Eugénie qui y vivait entourée des souvenirs de son fils disparu. Sous la grande église, une crypte accueille les tombeaux où reposent Napoléon III et son fils. Eugénie attendra 40 ans pour les rejoindre en 1920. 

La postérité de « Loulou » est paradoxale. Son histoire, digne d’un roman, est quasi inconnue. Pourtant, rares sont les personnages qui ont laissé autant de traces de leur vie. Une mèche de cheveu et une montre en Afrique du sud. Des centaines d’objets à Compiègne, un berceau à Paris et un tombeau à Farnborough, en terre d’exil.

Il avait pour ambition d’être l’Empereur des Français, il restera à jamais un Prince Impérial.


Renseignements Pratiques :

A voir en Europe :

Domaine et musées nationaux du palais impérial de Compiègne : situé à 80 km au nord de Paris, le château de Compiègne est un des principaux palais royaux. Les appartements meublés évoquent surtout le 1er Empire. Un musée est spécifiquement consacré au Second Empire (objets d’arts) et un autre aux souvenirs de la famille impériale (musée de l’impératrice). Le château est ouvert tous les jours sauf le mardi. Pour accéder aux musées du Second Empire et de l’impératrice, il faut téléphoner avant de venir pour connaître les heures d’ouverture car ils ne sont pas toujours visibles.
→ Dans l’audio-guide des grands appartements, conçu pour les enfants, c’est le Prince impérial qui mène la visite !

Musée Carnavalet : Le musée consacré à l’histoire de Paris possède le berceau de parade du Prince impérial. Il expose aussi des tableaux, médailles et petits biscuits de Sèvres à l’effigie du prince enfant. Le musée Carnavalet est un des plus beaux musées parisiens. L’histoire de Paris est racontée dans des décors anciens de monuments disparus (boiseries d’hôtels particuliers, vieilles boutiques …). L’accès aux collections permanentes est gratuit.

Chislehurst : Situé à 20 km au Sud-Est de Londres. C’est au château de Camden Place, dans ce village du Kent, que la famille impériale va s’installer en exil après 1870. L’église catholique Sainte-Mary, entourée par son vieux cimetière, accueillait la famille impériale le dimanche pour la messe. La première chapelle funéraire construite par l’impératrice Eugénie pour recevoir le tombeau de Napoléon III est encore visible.

Camden Place : A Chislehurst. Le domaine résidentiel de la famille impériale en exil est aujourd’hui un golf-club et le château accueille conférences ou banquets. Au rez-de-chaussée, une partie du décor est toujours visible.

Abbaye Saint-Michael de Farnborough : L’abbaye construite par l’impératrice Eugénie pour accueillir les tombeaux de son mari et de son fils (puis le sien) est à 45 km au Sud-Ouest de Londres. Une visite guidée permet de voir l’église et la crypte tous les samedis à 15h. Le site Internet de l’abbaye, animé par une communauté bénédictine, propose des pages historiques bien fournies.

Château d’Arenenberg : En Suisse, à 10 mn de Constance et près des célèbres chutes du Rhin, le château où a vécu la reine Hortense et Napoléon III enfant est un musée qui a gardé l’ambiance d’une demeure habitée. Salles meublées, beau parc à l’anglaise et vues sur le lac de Constance font de ce domaine un lieu de visite agréable. Cet endroit encore trop peu connu permet pourtant de découvrir d’autres pans de l’histoire napoléonienne. « Loulou » y passa pratiquement tous ces étés entre 1873 et 1878. Une salle remplie de souvenirs personnels lui est consacrée : chaussons de bébé, collier de son chien Néro, photos, etc.
→ Le château se visite toute l’année sauf pendant les vacances de Noël et début janvier.

A voir en Afrique du Sud :

Le Musée Voortrekker (Msunduzi) propose au premier étage une exposition consacrée au Prince impérial. On y trouve notamment une copie de sa montre et des mèches de cheveux prélevées sur son corps.

La Chapelle St Mary. Petite église catholique de Pietermaritzburg. En toquant à la porte, la gardienne laisse généralement entrer les visiteurs. Au cœur de la Chapelle, une pièce de tissu indique le lieu où reposait la dépouille du Prince lors de la messe de Requiem qui a été célébrée ici le 8 (ou 9) juin 1879.

La Route du Prince impérial  Imaginée et mise en place par la francophile passionnée Glenn Flanagan. Elle permet de repasser par les même lieux que le Prince entre Durban et Uqweqwe, lieu exact de sa mort. On y trouve une stèle offerte par la Reine Victoria.
→ Pour toutes les informations concernant le Prince en Afrique du Sud visitez le site de Glenn Flanagan.

 

 

A Lire :

Le Prince impérial « Napoléon IV », Jean-Claude Lachnitt. Librairie Académique Perrin

Trois mois chez les Zoulous et les derniers jours du Prince Impérial, Paul Déléage, E. Dentu Editeur (1880).

La Fondation Napoléon favorise l’accès aux connaissances sur le 1er et le Second Empire, soutient les travaux des historiens et participe à la sauvegarde du patrimoine napoléonien. Son site Internet est très riche. Voir entre autre la page consacrée à une photo du Prince impérial.

 

2 Comments

Cher Monsieur,

J’ai grand plaisir à vous informer de la parution prochaine de mon ouvrage portant sur l’étude de la correspondance du Prince Impérial (1856-1879). Ce livre est l’aboutissement de plusieurs années de recherches. Il réunit près de 70 missives, choisies pour leur pertinence et leur capacité à illustrer intimement le portrait héroïque du jeune Napoléon IV. Ce recueil – qui se veut être la 1ère pierre d’un projet plus ambitieux (l’édition exhaustive de la correspondance du Prince) – porte à la connaissance du lecteur des éléments chronologiques, des notes contextuelles précisant le contenu des lettres, un grand nombre d’illustrations, des notices biographiques, des annexes … Plus de 200 pages consacrées à un personnage hors norme, à la destinée tragique, aujourd’hui figure oubliée de nos concitoyens.
Publié aux éditions « Mémoire et documents » (www.memodoc.fr), sa sortie est prévue pour le début du mois de novembre (http://www.prince-imperial.com/article-fiche-de-presentation-de-l-ouvrage-sur-le-prince-120685933.html).

Vous remerciant de l’intérêt que vous porterez peut-être à mes travaux,

Très cordialement,

Eric PRADELLES

Merci pour cette émission fort bien documentée.
Il est tellement rare que l'appareil de propagande républicaine fasse l'éloge d'un membre de la famille Napoléon qui a été bien plus efficace pour la modernisation de la France que la néfaste IIIe République, sans parler de la IVe...

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