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A la rencontre du fantôme d’Oscar Wilde à Paris
Le 7 avril sort sur les écrans français « le procès d’Oscar Wilde » un film expérimental explorant le procès du célèbre écrivain anglais homosexuel. A cause des échos de ce procès et des mois d’incarcération, Wilde choisit l’exil à Paris. Aujourd’hui, ses fans peuvent tenter un « pèlerinage » dans plusieurs endroits cultes.
Un anglais à Paris
Oscar Wilde regroupe autour de son œuvre et de sa vie des fans du monde entier. Avec Londres, Paris est la ville idéale pour marcher sur ses traces. Wilde découvre la capitale française quand il est encore célibataire. Il y vient avec sa mère puis quand il est étudiant.
En 1883, il descend d’abord à l’hôtel Continental mais ayant peur d’être à cours d’argent, il prend une chambre rive gauche dans un établissement plus modeste, l’hôtel du Quai Voltaire. Sa chambre existe toujours (n°14). En la louant aujourd’hui, avec une vue sur le Louvre et la Seine, on peut s’imaginer Wilde au travail dans ces lieux, vêtu d’une grande tunique blanche à capuchon. Il se concentre alors pour terminer une pièce de théâtre. Il profite de son séjour pour rendre visite à Victor Hugo très âgé. Il voit aussi Sarah Bernhardt qu’il connaît déjà et rencontre Verlaine (qui n’est pas séduit par ce dandy anglais). Son séjour dure trois mois. Aujourd’hui, l’hôtel du Quai Voltaire est un établissement 2* confortable, simple et accessible à bien des budgets de voyageurs. C’est un hôtel qui vibre aussi des souvenirs de Wagner qui y composa une partie des Maîtres Chanteurs, Pissaro qui y peignit plusieurs toiles et Baudelaire qui y écrivit Les Fleurs du mal.
La dernière chambre d’Oscar Wilde
Mais la chambre qui évoque le plus l’auteur du Portrait de Dorian Gray, c’est celle de l’Hôtel au 13 rue des Beaux-Arts. C’est là qu’Oscar Wilde passe la fin de sa vie, ruiné et déshonoré, après son procès. De nos jours, l’Hôtel (tout simplement ;-) est un établissement de luxe décoré par Jacques Garcia. Les vedettes du cinéma ou de la chanson en ont fait un de leur lieux de rendez-vous discrets. Il a reçu en 2008 le prix « best urban hotel in the world » décerné par Harper’s Baazar. Mais à l’époque d’Oscar Wilde l’hôtel d’Alsace, tenu par Jean Dupoirier, est un « hôtel de quatrième classe » comme le qualifie les amis de l’écrivain. Wilde s’y installe en mars 1898 et y meurt le 30 novembre 1900. Sa chambre donnant sur la cour a été reconstituée et remporte un vif succès. Les prix sont à la hauteur des étoiles de l’établissement. Tout le monde ne peut pas se payer quelques heures dans cet univers wildien mais pour les admirateurs rien n’est trop cher. Ils ont l’assurance de dormir dans le lit d’Oscar (agrandi) et entourés de photos et documents anciens (dont sa dernière note d’hôtel).
En suivant Oscar dans Paris
Si on veut aller plus loin dans les pas de l’auteur de L’important d’être constant, on peut pousser jusque devant le 9 boulevard Malesherbes. C’est là qu’habitait la famille Proust. Fin 1891, à vingt ans et encore à Science-Po, Marcel invite Wilde à dîner chez ses parents. Pourquoi cette invitation ? La question fait encore couler beaucoup d’encre chez les spécialistes des deux hommes de lettres. En tout cas ce qui nous est revenu de la soirée est haut en couleur : Oscar a critiqué l’ameublement des Proust en disant « que c’est laid chez vous ». Comme Marcel n’est pas chez lui quand Wilde arrive, l’anglais raffiné s’enferme dans la salle de bain pour attendre le jeune homme. Quand Proust pousse la porte, Wilde lui déclare : « Je croyais avoir le plaisir de dîner avec vous seul, mais j’ai vu que vos parents étaient au salon, et je n’ai pas pu y rester. Au revoir cher Monsieur Proust ». Fin de la relation.
Au 22 de l’avenue de l’Opéra se trouvait l’Hôtel des Deux Mondes fréquenté par Oscar Wilde en mai 1893. Son amant, Lord Douglas y descendra en 1895 et écrit : « Mon Oscar chéri, je viens d’arriver à l’instant ici. Il me semble trop épouvantable de m’y trouver sans toi, mais je souhaite ardemment que tu m’y rejoignes dès la semaine prochaine. (…) Je suis ton boy amoureux et dévoué. Bosie ». L’hôtel ferme en 1940.
Dans le quartier des Grands Boulevards que Wilde a longuement arpenté, le 29 boulevard des Capucines est également une adresse à retenir. L’écrivain y loue un appartement lors de son second séjour de 1891. Il rencontre alors André Gide et va dîner chez Jean Lorrain (journaliste, écrivain, dandy et homosexuel comme lui). Pendant les deux mois qu’il passe à Paris, Wilde rencontre beaucoup d’intellectuels. Son passage marque le monde artistique parisien. Il reviendra dans le même appartement en 1892.
Un lieu culte
Dernière station, incontournable, dans un « pèlerinage » wildien à Paris : le cimetière du Père Lachaise. Quand il meurt le 30 novembre 1900, Wilde est d’abord enterré au cimetière de Bagneux. En 1909, Robert Ross, un ancien amant et ami solide de longue date, acquiert pour la dépouille de l’écrivain une concession dans le plus célèbre des cimetières parisiens. C’est Jacob Epstein qui signe le monument à la hauteur du génie de l’artiste. C’est autour de cet « ange-démon » de vingt tonnes que des millions de fans d’Oscar Wilde viennent encore se recueillir aujourd’hui. Ils y laissent des fleurs et des messages. Mais surtout, ils embrassent tendrement Oscar (regardez donc les photos !). Comme son résident, le monument a fait scandale à son inauguration car le sculpteur a doté son ange de beaux organes génitaux ( !) ; le monument est alors bâché. Ross fait poser une feuille de vigne en bronze sur les parties jugées indécentes mais ce n’est pas suffisant. Entre son inauguration en 1912 et 1914, le monument est invisible. Si vous passez un de ces jours au Père Lachaise, ne cherchez pas l’objet du scandale, un anonyme a mutilé l’ « ange-démon »…
Le vœu de Robert Ross, l’ultime bienfaiteur de Wilde, a été exhaussé : il repose aux côtés d’Oscar dans le même monument.
(Photos : Ludovic Dunod / L'Hôtel / Hôtel du Quai Voltaire)
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