Jean-Baptiste Bernadotte, roturier, maréchal d’Empire de Napoléon est d’abord un militaire et un administrateur. Idéal pour gouverner un pays.

Elu prince héritier de Suède le 21 août 1810, il devient Karl-Johan et fonde une dynastie royale, encore sur le trône aujourd’hui.

Mais en fondant cette dynastie, il ne sait pas que plusieurs de ses descendants vont s’illustrer dans le domaine artistique, bien loin de ses propres centres d’intérêt.

A Stockholm, c’est au musée National et à Waldemarsudde qui ces talents princiers sont aujourd’hui révélés au public.

 

 

En choisissant la petite péninsule de Waldermasudde, sur l’île de Djurgarden, le prince Eugène (1865-1947) savait qu’il pourrait se consacrer à la peinture loin du bruit de la ville. Et pourtant, Stockholm est là, tout autour. Mais ce domaine est une parenthèse dans la capitale suédoise comme dans le temps.

 

Eugène est le plus jeune fils du roi Oscar II. Passionné par la peinture, il réussit à convaincre sa famille de le laisser aller étudier l’art dans les ateliers parisiens (les plus en vue à la fin du XIXème siècle). Il n’est pas facile d’imposer sa vocation d’artiste quand on est prince, et de surcroit prince Bernadotte. Issue d’un milieu modeste et roturier, cette dynastie doit encore s’imposer dans le cercle des cours royales dans les années 1880-1890. Peintre ou chanteur, ce n’est pas digne d’un prince. C’est ce qu’on avait d’ailleurs dit à la tante Eugénie et l’oncle Gustav, pourtant très doués.

 

 

Eugène revient de Paris avec la maitrise de son art. Il a un sens des couleurs et de la lumière qui enchante les visiteurs des expositions où il peut présenter son travail malgré son rang.

En pleine révolution picturale imposant l’abstraction ou le cubisme, le prince Eugène va pourtant rester dans l’art figuratif.

Anna Meister, archiviste et bibliothécaire à Waldemarsudde, revient sur la carrière du prince Eugène :

 

 

 

Pour bien travailler mais aussi collectionner les autres artistes scandinaves de son temps, il se fait construire entre 1903 et 1905, le château de Waldemarsudde. Selon ses dernières volontés, les salons de réceptions sont restés intacts après sa mort et ouverts au public.

 

C’est donc dans son univers quotidien qu’on découvre à la fois des meubles anciens de famille et des tableaux de maitres scandinaves modernes.

La demeure possède un charme inouï. Les intérieurs sont élégants, harmonieux et très lumineux pour une maison de la Belle-Epoque. Si on ne veut pas se pencher longuement sur les œuvres présentées, Waldemarsudde reste pour le grand public un très beau musée d’atmosphère.

Baladons-nous quelques instants dans la maison avec Anna Meister :

 

 

 

 

Dans toutes les pièces, des bouquets de fleurs ajoutent encore couleurs et fraicheur. Car le prince Eugène était aussi appelé le « prince des fleurs ». Ce goût se confirme dans les beaux jardins qui entourent le château et qui descendent en terrasse jusqu’aux eaux de l’archipel.

 

 

Au milieu des massifs, l’Héraclès de Bourdelle et le Penseur de Rodin (commandés directement aux artistes par le prince) montrent l’intérêt que cet homme portait aux sculpteurs de son temps. Au fond du jardin, un vieux moulin à vent donne un air pittoresque au domaine.

 

   

Dans les étages supérieurs du château et dans la galerie adjacente à la maison (construite dès 1914 par Eugène), le musée montre les œuvres du prince et les autres pièces de sa riche collection (c’était la plus grande collection privée d’œuvres d’art en Suède à sa mort en 1947). Waldemmarsudde organise aussi de nombreuses expositions temporaires (voir le calendrier sur le site du musée).

 

En visitant Waldermarsudde, on comprend pourquoi cet endroit, rapidement après son ouverture au public au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a reçu le titre de « plus beau musée de Suède ».

 

 

Sigvard Barnadotte (1907-2002)* est le petit neveu du prince Eugène et le deuxième fils du roi Gustav VI Adolf. Lui aussi a une fibre artistique très développée. Il est designer et un pionnier important de sa discipline.

Il crée en 1950, avec le danois Acton Bjorn, un studio de design qui va vite s’imposer. S’il anime une équipe, il crée aussi lui-même. Cette société développe de nouveaux processus de création d’objets industriels et devient également une pépinière pour une nouvelle génération de designers scandinaves.

 

 

Du plastique à l’argent, tous les matériaux l’intéressent. Il travaille aussi bien sur des ustensiles produits en très grande quantité que sur des objets de luxe édités en séries limitées.

Sans le savoir, on garde en tête plusieurs objets dessinés par l’agence Bernadotte & Bjorn dans les années 60 : grille-pain, cafetières, ouvre-boite, saladiers.

Ces objets sobres et modernes sont encore dans de nombreuses cuisines suédoises et européennes.

 

A l’occasion du bicentenaire de l’élection du premier Bernadotte sur le trône de Suède, une exposition sur le travail de Sigvard Bernadotte a été présentée pendant l’été et l’automne 2010 au Centre Culturel Suédois de Paris puis au musée de Pau (ville natale de Jean-Baptiste Bernadotte, fondateur de la dynastie).

Mais c’est au musée national de Stockholm dans le riche département du design qu’on peut voir de manière permanente une sélection des œuvres de Sigvard et de son agence.

 

Le Musée présente aussi les créations du prince Carl-Philip, le fils du roi actuel. Il a notamment dessiné des couverts en argent que la riche société suédoise et internationale s’est arrachée. Ce jeune prince n’en est qu’au début de sa carrière. Fera-t-il aussi bien que son grand-oncle et son arrière-arrière-grand-oncle ?

 

 

(*Sigvard Bernadotte est déchu de son titre princier dans les années 30 quand il épouse une roturière… Marié trois fois, il ne choisira jamais une femme issue de la noblesse. Dans une famille si soucieuse de sa légitimité royale, ces mésalliances passent mal. En 1983, Sigvard ira devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour tenter de recouvrer son titre princier. La Cour lui donne raison mais le roi actuel Carl XVI Gustav n’a pas choisi d’entériner cette décision (il est pourtant lui-même marié à une roturière et Victoria, la princesse héritière, vient elle-même d’épouser un suédois sans titre… les temps changent chez les Bernadotte !)

 

 

(Photos : Ludovic Dunod, Waldemarsudde, Son Lindman, Lars Engelhardt, Nils Bolt Christmas, Halva)