La Forêt de Brocéliande ou l’imaginaire au pouvoir

 

Chêne des hindrés, forêt de Brocéliande © Office du Tourisme de PaimpontEn Bretagne, la forêt de Brocéliande est le royaume des fées de la légende arthurienne et de Merlin l'enchanteur. Arthur et ses chevaliers de la Table Ronde y sont bien sûr aussi passés. Cette légende, fortement inscrite dans l'inconscient collectif occidental, s'est longuement construite sur des bases spirituelles, politiques et romanesques.

Aujourd'hui, les amateurs de nature, de fantastique et d'ésotérisme sillonnent les sentiers de la plus mystérieuse et magique des forêts. 

 

 

Forêt de Brocéliande © Centre Arthurien Forêt de Brocéliande © Centre Arthurien

 

 
Attention magie !
Brocéliande est la terre de la légende du Roi Arthur, des chevaliers de la Table Ronde, des fées Vivianne et Morgane, et de Merlin l’enchanteur.
Inutile de chercher la forêt sur une carte, elle n’existe pas. Officiellement, c’est la forêt de Paimpont, située au cœur de la Bretagne, à cheval entre le département du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine. Mais par tradition, c’est la fantastique Brocéliande.
 
La légende Arthurienne prend ses racines dans la culture Celtique et Bretonne à partir du Vème siècle. Bardes et troubadours diffusent oralement les légendes à travers l’Europe entière. Mais il faut attendre le XIIème siècle pour que le mythe Arthurien, enrichi, soit couché par écrit par ceux qui apparaissent comme les premiers romanciers français tels que Chrétien de Troyes.
 
Forêt de BrocéliandeL’Eglise christianise la légende et la propagande politique des rois d’Angleterre s’empare du mythe pour légitimer le trône. Plus tard, des romanciers ravivent à nouveau ces histoires.
Aujourd’hui, elles sont plus que jamais vivantes à travers le cinéma, la BD, les romans, les jeux vidéo et des mouvements ésotériques ou spirituels alternatifs.
 
La légende arthurienne s’incarne, pour de vrai, en 3D, le long des sentiers des 7000 ha de Brocéliande.
 
Ecoutez les deux émissions réalisées sur ce sujet :
La Forêt de Brocéliande où l’imaginaire au pouvoir (1/2) :
 
 
 
La Forêt de Brocéliande où l’imaginaire au pouvoir (2/2) :
 
 
 
 
 

Une forêt de légende

 
La forêt de Brocéliande est le royaume des personnages fantastiques qui accompagnent Arthur. La fée Viviane ne peut même pas en sortir par exemple.
Forêt de BrocéliandeLes autres personnages arthuriens (le roi et les Chevaliers) ont aussi fréquenté Brocéliande.
 
Mais laissez-vous d’abord tenter par le conte : A la mort du Roi Uther Pendragon, tous les barons de Camelot se disputent le trône. Merlin l’enchanteur, conseiller des rois, annonce que celui qui parviendra à retirer l’épée Excalibur de son rocher sera le digne héritier du royaume. Arhur, alors adolescent, réalise l’exploit et devient roi. Sur les conseils de Merlin, il fonde la Table Ronde, réunissant les chevaliers les plus braves, et les envoie en quête du Graal (la coupe contenant le sang du Christ).
 
Les épisodes de cette légende sont marqués par nombreuses aventures, dans lesquelles interviennent régulièrement les êtres surnaturels : dragons, nains, lutins, géants… Mais aussi des fées.
Viviane, maîtresse de Merlin l’enchanteur, reste la plus célèbre. Mais on se souvient aussi de Morgane, demi-sœur du roi Arthur.
Claudine Glot, co-fondatrice du Centre de l’imaginaire arthurien précise qui sont les fées :
 
 
 
Forêt de Brocéliande © Centre Arthurien Forêt de Brocéliande © Centre Arthurien
 
 
C’est au XIXème siècle que des érudits désignent la forêt de Paimpont, à 40 km de Rennes, comme étant la Brocéliande de la légende. Ce n’est pas par hasard. Ce vaste massif forestier possède un fort potentiel évocateur qui le prédestine à ce rôle. Plusieurs éléments intriguants la constituent : au cœur de la forêt, les boussoles perdent le Nord… Plus curieux encore, les ruisseaux et les roches sont teintés d’une étrange couleur rouge que les gens d’ici assimilent au sang des fées.
Il y a bien une explication scientifique à tous ces phénomènes, mais qu’importe !
C’est l’imaginaire qui détient le pouvoir à Brocéliande.
 
La forte présence de Mégalithes préhistoriques donne aussi au paysage un curieux décor. Idéal pour faire courir l’imagination. Celui-ci va devenir le Tombeau de Merlin. Cet autre, l’Hostié de Viviane.
 

Des sites évocateurs

 
L'hostié de Viviane, forêt de BrocéliandeLes érudits du XIXème, en plein renouveau médiéval et romanesque, ont créé une géographie fantastique à Brocéliande.
Elle nous permet aujourd’hui d’avoir des sites pour évoquer la légende et laisser vagabonder notre esprit.
En sillonnant la forêt, on découvre par exemple :
 
 
-         Le Val-sans-retour : cette partie de la forêt entre lande, sous-bois, vallons et crêtes porte en elle une des plus grandes histoires de la légende, celle de la fée Morgane. Maitresse d’un chevalier infidèle, la fée va se venger en faisant prisonnier du vallon tous les chevaliers infidèles qui le traverseront. C’est l’amour pur de Lancelot-du-Lac pour la reine Guenièvre qui va permettre de lever l’enchantement.
Sur les sentiers du Val-sans-retour on croise aussi trois monuments mégalithiques remarquables qui ont été respectivement désignés comme le siège de Merlin, l’Hostié de Viviane et le Rocher des faux amants.
 
 
-         La Fontaine de Barenton : La forêt de Brocéliande doit forcement posséder une source extraordinaire ! C’est le cas de la fontaine de Barenton qui, pour une raison inexpliquée, fait des bulles et bouillonne. Pourtant son eau est froide… La tradition locale lui prête le pouvoir de déclencher la pluie. Dans la légende Arthurienne, Merlin l’Enchanteur y rencontre la fée Viviane. C’est ici que leur amour est né.
 
Le Val sans retour, forêt de Brocéliande La fontaine de Baranton, forêt de Brocéliande Le tombeau de Merlin, forêt de Brocéliande
 
 
-         Le Tombeau de Merlin : ce monument mégalithique a été désigné comme l’endroit où Merlin aurait subit de son plein gré l’ultime enchantement de la fée Viviane. Celui qui les a rendus à jamais prisonnier, ensemble, de leur amour. Ce lieu fait aujourd’hui l’objet d’un véritable culte. Les visiteurs y déposent des petits papiers avec des vœux ou des remerciements à l’enchanteur pour les bonnes choses qui leur sont arrivées.
 
Seul, en famille, entre amis ou accompagnés d’un guide, on peut suivre les différents sentiers balisés qui mènent d’un site à l’autre dans un des plus beaux paysages forestiers français. Un site à découvrir quelque soit la saison comme le précise Nicolas Mezzalira, directeur du Centre de l’imaginaire arthurien :
 
 

Le Centre de l’imaginaire arthurien

 
Château de Comper, Forêt de Brocéliande © Centre ArthurienPour bien comprendre la légende et se remémorer ses grands moments, il faut passer par ici.
Crée en 1988, cette association de passionnés a pour objectif de transmettre la légende arthurienne à un large public, mais aussi de créer la rencontre entre les artistes et chercheurs qui s’y intéressent.
 

Situé dans le Château de Comper, à Concoret dans le Morbihan, le Centre abrite une exposition didactique sur les différents épisodes de la légende et sur les principaux personnages.
On y apprend par exemple, en écoutant Claudine Glot, que Merlin n’est pas le vieillard barbu immortalisé par Walt Disney :
 
 
 
"Jeux légendaires" organisés par le Centre de l'imaginaire arthurien © Centre arthurien Scène de la naissance d'Arthur au Centre de l'imaginaire arthurien
 
 
Le Centre de l'imaginaire arthurien raconte aussi la lente et complexe construction de la légende au fil des siècles.
On y découvre que chaque siècle à fait évoluer la légende et le regard porté sur elle.
Ecoutons Claudine Glot, co-fondatrice du Centre :
 
 
 
Chaque été, les bénévoles font revivre la légende Arthurienne en se costumant et en contant les plus grandes épopées du cycle.
Ils expliquent eux aussi comment s’est construit cette légende issue du monde celtique puis christianisée.
Claudine Glot raconte comment l’Eglise s’est emparé de ces histoires :
 
 
Camp du roi arthur, animé par les bénévoles du Centre de l'imaginaire arthurien © Centre arthurien
 
Les guides, avec leur réel talent de conteurs, emmènent aussi les visiteurs en forêt à la rencontre des haut-lieux arthuriens.
Le Centre possède également une riche librairie.
(Regardez également la vidéo sur la Journée du patrimoine organisée par le Centre. Elle y rend bien l’atmosphère conviviale).
 
Le château de Comper fait face à l’un des plus importants sites de Lac de Viviane, Forêt de Brocéliandela légende : le Lac de Viviane.
C’est à cet endroit que la fée Viviane aurait vécu dans un château de cristal imaginé par son amant Merlin l’enchanteur.
 
Pour protéger Viviane des regards curieux, Merlin aurait jeté un enchantement sur le château pour qu’il devienne invisible et prenne l’aspect d’un lac…
Le site est aussi lié au destin de Lancelot-du-lac comme le rappelle Claudine Glot :
 
 

Le magnétisme et l’ésotérisme de Brocéliande

 
La forêt de Brocéliande n’est assurément pas une forêt comme les autres : « On y ressent quelque chose de particulier » affirment bon nombre de visiteurs. Mais quoi ? Brocéliande invite à une certaine recherche intérieure. Beaucoup sont en quête de leur propre Graal avec modestie et discrétion.
D’autres éprouvent des expériences sensorielles. Ils sentent de la chaleur ou du froid... Ils ont l'impression d'être plus légers à certains endroits. Signe pour eux d’une charge magnétique et surnaturelle certaine…
 
Mais on croise aussi des personnages plus ou moins extravagants comme le raconte Jean-Claude Cappelli, un des druides de Brocéliande :
 
 
 
Plusieurs druides, ou « néo-druides » officient en forêt de Brocéliande. Ils se revendiquent des croyances celtiques et font à chaque nouvelle saison des cérémonies en plein bois. Si certains d’entre eux pratiquent cette spiritualité avec recul et sobriété, d’autres se costument avec cape, canne et boule de cristal.
(Voir la vidéo de la fête des druides à Paimpont en 1997)
 
Le tombeau de Merlin fait l’objet d’un culte où magnétisme et sensibilité aux croyances celtiques se rejoignent. Les centaines de petits papiers laissés dans les interstices des pierres montrent la popularité du site.
Au siège de Merlin, même les plus incrédules se surprennent à formuler des vœux.
 
Dans le village Tréhorenteuc, l’église du Graal attire des amateurs d’ésotérisme venant du monde entier.
Dans les années 40, l’Abbé Guichard est envoyé par ses Mosaïque du cerf blanc, Eglise du Graal, Tréhorenteucsupérieurs pour animer la vie ecclésiastique du plus petit village du Morbihan. Il se donne comme mission de ramener des ouailles pas très assidues sur les bancs de l’église. 
 
C’est d’abord dans ce but qu’il conçoit le décor de cette chapelle en imaginant un programme à la symbolique et au syncrétisme étonnants. Christianisme, traditions celtiques et les légendes Arthuriennes s’entremêlent.
Le lieu fourmille de symboles en tout genre, on peut y passer des heures à décortiquer chaque petit détail, chaque signe.
La grande mosaïque du cerf blanc est un bon exemple de ce syncrétisme comme l’évoque Nicolas Mezzalira, directeur du Centre de l’imaginaire arthurien :
 
 
 
Ce sont deux prisonniers de guerre allemands qui ont réalisé ces décors particuliers : le chemin de croix où apparaît Brocéliande et une figure de femme trop sensuelle pour une église ainsi que les vitraux qui racontent la légende du Graal.
 
 

Pour l’amour des rapaces

 
Anne FreudigerAnne Freudiger est fauconnière. Elle connaît l’art de chasser avec des oiseaux de proie. Son amour des rapaces et leur lien avec les chasses médiévales l’ont naturellement conduite à s’installer dans la forêt de Brocéliande.
 
Dans sa maison, à Beignon, Anne a ouvert une école de fauconnerie. Son jardin accueille les volières de ses 30 rapaces : buses, chouettes, faucon, hiboux…
Anne Freudiger aime transmettre sa passion et ses secrets à tous ceux qui le souhaite. En plus de ses stages, elle organise des initiations d’une heure et demie pour découvrir les rapaces et faire voler soi-même un oiseau.
 
La fauconnière milite pour un meilleur regard sur les rapaces, notamment les oiseaux nocturnes qui ne jouissent pas forcement d’une bonne image. Nos peurs ancestrales et nos croyances s’expliquent d’après elle :
 
 
Anne Freudiger et Alice Milot, notre reportrice Hibou Grand Duc de la collection d'Anne Freudiger Anne Freudiger et Alice Milot, notre reportrice
 

Brocéliande et les légendes locales

 
La Forêt de Brocéliande n’est pas seulement la demeure des personnages fantastiques de la légende Arthurienne, elle abrite aussi des légendes locales. Depuis des siècles, les familles bretonnes se racontent au coin du feu les frasques des korrigans par exemple.
Ces créatures, qui appartiennent à de ce qu’on appelle « la petite mythologie », sont les équivalents des lutins, des farfadets ou des trolls. Il s’agit d’un peuple de toute petite taille, plus ou moins bienveillants, ridés, aux cheveux long et aux oreilles pointues.
 
Château de Trecesson, forêt de BrocéliandeDes fantômes célèbres dans la région habitent l’imposant château de Trécesson construit au XVème siècle. Des joueurs de cartes issus d’un autre monde y ont laissé leur magot.
Un dame blanche hante encore aussi les lieux.
Laissez-vous conter cette histoire par Nicolas Mezzalira, directeur du Centre de l’Imaginaire Arthurien :
 
 
 
Dans le village de Concoret, un chêne vieux d’au moins 800 ans, a été le décor d’une étrange histoire. Ici aussi, écoutez la fabuleuse histoire du « Chêne à Guillotin » :
 
 
 
A l’entrée du Val-sans-retour, un premier lac porte le joli nom de « Miroir aux fées ». Mais il est lié à une légende populaire bien plus noire que son joli nom :
 
 
 

Informations pratiques

 
Pour préparer un séjour autour de la forêt de Brocéliande, allez voir le site du Comité du Tourisme du Morbihan et celui de l’Office du tourisme de Paimpont.
 
A lire :
« Brocéliande, sur les chemins de légendes » de Marie Tanneux, Editions Ouest-France.
 
« Les hauts-lieux de Brocéliande » de Claudine Glot et Yvon Boelle, Editions Ouest-France.
 
« Le grand livre du roi Arthur » de Claudine Glot, Editions Ouest-France.
 
« Lancelot ou le chevalier de la charrette », « Yvain ou le chevalier au lion », « Perceval ou le conte du Graal » de Chrétien de Troyes (éditions de poche).
 
 « La voie du Druide », écrit par celui qui se nomme « Celui du pays de l’Ours » (Jean-Claude Cappelli pour l’état civil), aux éditions Soleil Natal.
 
Les amateurs de symbolique trouveront à Tréhorenteuc une sérieuse librairie ésotérique, « la Maison des Sources ».
 
Forêt de Brocéliande Forêt de Brocéliande Forêt de Brocéliande
 
 
Page réalisée avec Alice Milot.
Photos : Alice Milot, Centre Arthurien, Office du Tourisme de Paimpont.
 

 

5 Comments

Merci pour cet excellent reportage !

Bien documenté ! Bravo ! Ne pourriez-vous pas citer aussi le livre que "tous les celtisants" ( !) ont depuis plus de dix ans, je crois, vu, sur le livre, les dates multiples de ré-édition : le Manuscrit des paroles du Druide. Texte "édifiant" et illustrations du XIXéme siècle qui font honneur à notre Patrimoine ! Belle vie !

Bonjour, merci pour ce reportage. Et pour entrer plus avant dans la ferveur qui règne autour de Brocéliande et de ses légendes : un reportage sur le rassemblement de 1994, contre le projet de barrage qui aurait ensevelit la vallée de l'Aff : http://www.dailymotion.com/video/x6vfcl_broceliande-1994_news?start=2#.Uc3ENuuJP-k

Je suis fan de Brocéliande ! Merci pour ce voyage/reportage. Lors de ma dernière visite j'ai trouvé dans un petit café à Paimpont un superbe CD celtisant Retour en Forêt, (qui y est d'ailleurs en écoute) et je suis fan aussi ! Comme ça je poursuis et j'approfondis le voyage…
Alain

Je suis fan de la forêt de Brocéliande et ai apprécié ce voyage, merci. D'ailleurs, lors de mon dernier passage à Paimpont dans un petit café j'ai acheté un superbe CD celtisant, Retour en Forêt qui est en écoute. Histoire de poursuivre et d'approfondir le voyage...
Alain

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