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12 avr. 2012 - 18:54
Dans le sillage du Titanic
A l’occasion du centenaire du naufrage, plusieurs centres d’exposition permanentes ouvrent leurs portes pour raconter la tragique destinée du plus beau paquebot de l’époque. A Belfast et Cherbourg, deux villes intimement liées au Titanic, ces espaces dessinent aussi le portrait d’une époque en mutation. Mais un voyage dans le sillage du Titanic passe aussi par Cobh, Southampton et Halifax.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le plus grand, le plus moderne et le plus beau paquebot de son époque sombre à 600 km au large du Canada.
Quelques 1 500 personnes périssent dans le naufrage. Un peu plus de 700 survivent.
La tragédie fait grand bruit car c’est la plus grande catastrophe maritime jamais arrivée alors. La nouvelle surprend d’autant plus que la White Star Lines affirmait le caractère insubmersible de son navire à grand renfort de publicité.
Au fil des ans, grâce aux livres, documentaires et films (dont celui de James Cameron en 1997), l’histoire du Titanic devient de plus en plus populaire. La découverte et la fouille de l’épave à partir de 1985 renforcent la curiosité du public.
C’est certain, le Titanic est « banquable » (ce que certains critiquent en mémoire pour les victimes). Mais le Titanic déplace les foules.
Belfast, qui l’a vu naître, comme Cherbourg et Southampton, deux villes-escales, associent désormais leur image à celle du paquebot pour attirer des visiteurs.
Partons dans le sillage du Titanic.
Ecoutez (ou téléchargez) l’émission que nous avons consacré aux lieux de mémoire du Titanic :
Belfast, là ou tout commence
Belfast frappe fort pour célébrer l’enfant du pays. Titanic Belfast, inauguré le 31 mars 2012, est un vaste bâtiment très contemporain qui accueille sur 11 000 m2 le plus grand espace de découverte jamais dédié au célèbre paquebot. Il vient redynamiser un quartier en déshérence depuis quelques années : celui des anciens plus grands chantiers navals du monde, Harland & Wolff.
Recouvert de plaques d’aluminium, l’imposant bâtiment lumineux suggère les coques de quatre célèbres bateaux construits ici : le Titanic, l’Olympic, le Britannic et le Nomadic. Imaginé comme une attraction ultra moderne, high-tech et pédagogique, Titanic Belfast s’étale sur six étages et se revendique comme une véritable expérience qui plonge le visiteur dans le passé.
Les neuf galeries racontent le Belfast du début du siècle, le chantier naval, le jour du lancement du Titanic, l’aménagement du bateau, la vie à bord, le naufrage et ses conséquences, l’écho du drame à travers le monde et les années.
Images d’archives, objets, films et témoignages audios, maquettes grandeur nature, espaces interactifs, et surtout reconstitution des intérieurs du paquebot… tout est là pour qu’on se croit à bord !
Les décors restitués évoquent un art de vivre oublié tel que le suggère Gérard Jaeger, auteur de « Il était une fois le Titanic » :
Au dernier étage, construit à la même hauteur que le pont supérieur du Titanic, le panorama permet de mesurer l’étendue du Titanic Quarter.
Au pied du nouveau bâtiment, une immense dalle de béton rappelle l’emplacement où furent construits et mis à l’eau le Titanic et l’Olympic, son navire-jumeau.
Il a fallut quatre ans, des milliers d’ouvriers et trois millions de rivets pour achever la construction du paquebot le plus grand, le plus sûr, et le plus luxueux du monde à cette époque.
Sur le site des anciens chantiers navals, d’autres vestiges liés au célèbre paquebot complètent le « Titanic tour ».
La cale sèche où il fut amené pour être aménagé est intacte. On dirait l’empreinte même du bateau. On prend conscience de sa taille imposante : 269 mètres.
Sur le flanc de la cale, la Pump house, qui permettait de pomper l’eau de la cale, a conservé ses vieux moteurs.
Plus loin, le Nomadic retrouve sa splendeur. Quelle relique !
Ce bateau navette avait pour mission de transporter les passagers de 1ère et de 2nd classes des quais de Cherbourg jusqu’à bord du Titanic et de l’Olympic. C’est peut-être la pièce la plus émouvante du parcours. On ne peut s’empêcher, en étant sur le pont, de penser aux passagers embarqués en France. Beaucoup on perdu la vie dans le naufrage.
Ce transbordeur conçu lui aussi dans ces chantiers navals revient de loin. Après avoir été déclassé, il a servi de boite de nuit à Paris, amarré à un quai de la Seine.
De retour à Belfast depuis 2005, ce bateau est patiemment restauré. Les spécialistes parlent de lui comme d’un « mini Titanic ». Tout y était identique en luxe et finitions : parquets, boiseries, escaliers, décorations…
Mais Belfast célèbre aussi le Titanic à l’Ulster Folk and Transport Museum.
Ce charmant musée est divisé en deux parties. On découvre tout d’abord l’exposition TITANICa, bien plus modeste qu’au Titanic Belfast mais exposant 35 objets authentiques remontés des abysses. Hublot, vaisselles, argenterie, vêtements personnels, photos touchent au cœur.
Ensuite la partie en plein air, où ont été remontées des rues et des maisons du Belfast 1900, permet de découvrir le mode de vie des Belfastois qui ont construit le navire.
On pousse librement les portes pour pénétrer dans les boutiques et appartements. Des guides en costume d’époque campent les personnages liés à chaque endroit. Dans sa maison, un riveteur raconte avec passion son quotidien sur le chantier naval.
Enfin, pour aller jusqu’au bout du parcours, il faut boire une bière ou un whiskey « Titanic » et chercher les quelques murs peints évoquant le bateau.
Une guide irlandaise, Donna Fox, nous en décrit un :
Avec les célébrations du centenaire du naufrage et l’ouverture du Titanic Quarter, Belfast se réconcilie avec son passé. Le Titanic n’est plus un tabou en ville. Les Belfastois ont souvent été accusés d’avoir mal construit le paquebot.
On sait aujourd’hui que c’est un concours de circonstance qui est à l’origine du drame. Aucunement un défaut de fabrication.
Les Irlandais du Nord transforment leur culpabilité en fierté et veulent, avec cette histoire mondialement populaire, changer l’image de leur capitale marquée par des années de conflit entre protestants et catholiques.
Cherbourg, là où la jet-set embarque
En 1912, Cherbourg est le point de départ de nombreuses compagnies maritimes étrangères qui desservent le Nouveau-Monde. Jusqu’à mille bateaux par an mouillent dans sa gigantesque rade aménagée au XVIIIème siècle.
Le Titanic y fait escale le 12 avril 1912. Les eaux ne sont pas suffisamment profondes pour que le paquebot accoste. C’est le Nomadic et son jumeau le Traffic qui transbordent les 281 passagers qui attendent depuis des heures un navire en retard.
Près du port, la Cité de mer, vaste complexe ludique et éducatif aménagé dans l’ancienne gare maritime, dédie depuis le 12 avril 2012 un espace permanent au Titanic.
C’est ici aussi une vraie aventure sensorielle. Le visiteur se met tour à tour dans la peau d’un passager de première, seconde ou troisième classe. Ou encore dans celle d’un membre d’équipage. Après être descendu le long de la coque du navire, il s’appuie au bastingage pour observer la mer à perte de vue. Il visite quelques cabines reconstituées avec soin et pénètre dans la salle de commandement.
Dans chaque espace un environnement sonore et lumineux évoque les différents moments du voyage : la liesse du départ, l’étourdissement des festivités à bord, la collision.
Chaque espace est également un prétexte pour dresser des portraits de passagers, entendre des témoignages et surtout comprendre une époque où une arrogante société de classe domine et croit en son invulnérabilité.
L’histoire tragique du Titanic devient passionnante quand elle sert à mieux comprendre la Belle-Epoque.
L’histoire tragique du Titanic devient passionnante quand elle sert à mieux comprendre la Belle-Epoque.
Cherbourg c’est l’escale des plus grandes fortunes américaines qui rentrent au pays après des mois de villégiature ou d’affaire en Europe. Des millionnaires capitalistes, sûr d’eux descendent du train arrivant de Paris. C’est le cas du colonel John Jacob Astor qui va périr dans le naufrage. Mahala Douglas est aussi présente avec sa femme de chambre française, Berthe Leroy.
Thierry Dufourneau, de l’Association Française du Titanic, raconte le destin de Berthe Leroy :
A leurs côtés montent aussi à bord de nombreux immigrants. Des Arméniens, Syriens et Libanais notamment. Paysans pour la plupart et fuyant la misère, ils veulent tenter leur chance en Amérique, une terre pleine de promesses et de liberté.
C’est dans l’immense salle des bagages (rare témoin art déco de ce type de bâtiment) que la Cité de la Mer rend particulièrement hommage à ces immigrants.
Ces modestes personnes, à cause de la hiérarchie sociale sont plus nombreux que les autres sur la liste des victimes. Patrick Mahé, auteur de « Titanic, l’histoire, le mystère, la tragédie » explique pourquoi :
Comme à Belfast, un espace permet aussi de comprendre les causes du naufrage (voir la vidéo de la simulation de la catastrophe).
C’est une accumulation d’erreurs humaines et de malchance qui mena au désastre :
Un énorme iceberg sur la route (alors qu’on en a pas vu à cet endroit depuis des dizaines d’années), un capitaine qui ne tient pas compte des messages d’alerte, une nuit trop sombre, une mer trop calme, des vigies sans jumelles, un officier qui prend une mauvaise décision, des canots de sauvetage insuffisants…
Sans compter des signaux de détresse incompris comme le souligne Gérard Jaeger :
Southampton, là où on pleure le plus grand nombre de victimes
Ils étaient fiers, les hommes de Southampton qui avaient pu décrocher un job sur le Titanic. Travailler sur le plus luxueux et le plus moderne des bateaux, ce n’est pas rien. En plus, on pouvait manger sa faim.
724 personnes de la ville sont embauchées par la White Star Lines qui a fait de ce port du Sud de l’Angleterre son terminal transatlantique en 1907 quand elle le préfère à Liverpool.
Stewarts et soutiers étaient d’ici.
Ils sont souvent oubliés. Et pourtant ils ont été courageux et travaillaient dur comme le rappelle Gérard Jaeger :
Mais 5 jours après le départ, c’est l’effroi. « Un grand silence s’est abattu sur la ville », raconte un habitant. Plus du tiers des victimes du naufrage (549 personnes) sont de Southampton.
Cent ans après le drame, la ville inaugure le Seacity museum dont le cœur de la visite est consacré aux membres de l’équipage du paquebot et à l’histoire du Titanic. Là encore, c’est à travers des destins que l’histoire revit.
Des points rouges sur un plan de Southampton, placé sur le sol du musée, indiquent les maisons en deuil. Les quartiers pauvres près du port sont particulièrement écarlates.
175 habitants ont survécu. Eux aussi racontent. Ou leurs descendants, car certains n’ont jamais voulu évoquer la catastrophe. Un stewart est reparti en mer, sur l’Olympic, le navire-jumeau du Titanic car il fallait bien gagner sa vie…
Halifax, là où reposent ceux que personne n’a réclamé
L’histoire se termine à Halifax, capitale de la Nouvelle-Ecosse, au Canada.
C’est d’ici que sont partis les bateaux chargés de récupérer les corps après la catastrophe. Plus de 300 dépouilles ont été trouvées. Certaines ont été remise à la mer et plus de 200 sont arrivées à Halifax pour être identifiées.
Plus des deux tiers des corps n’ont pas été réclamés par les familles et reposent pour beaucoup au cimetière de Fairview Lawn.
Les enterrements ont eu lieu entre le 3 mai et le 12 juin. La White Stars Lines a payé une bonne partie des stèles de granit qui ne portent que la date de la mort et un numéro pour les victimes toujours inconnues.
L’histoire du Titanic est placée ici sous le signe du recueillement et du souvenir.
Le musée maritime de l’Atlantique conserve aussi d’émouvants témoignages dans son exposition permanente dédiée au Titanic.
Parmi la cinquantaine d’objets venant du bateau ou de ses occupants, des chaussures d’enfant sont particulièrement touchantes. Grâce aux recherches basées sur l’ADN, on sait maintenant qu’elles appartenaient à Sydney Leslie Goodwin, un jeune anglais d’un an et demi qui accompagnait son père parti pour travailler aux chutes du Niagara. L’enfant repose au cimetière de Fairview Lawn.
Une chaise longue d’un des ponts du paquebot, un meuble de salle de bain en acajou provenant des 1ères classes, des fragments de boiseries, les gants du millionnaire Charles Hays, un des sacs ayant servi à garder les objets personnels des victimes sont, entre autre, exposés parmi les maquettes et les photos anciennes.
Plus au Nord, c’est de Saint-John, à Terre-Neuve que partent les rares expéditions ouvertes occasionnellement au public pour aller voir l’épave du Titanic.
Il faut pouvoir débourser 45 000 € pour vivre cette expérience et voir le pont, les hélices, les ancres ou les moteurs qui gisent à 3 800 mètres de profondeur (voir la vidéo de l'épave).
Le voyage dure treize jours dont sept à l’aplomb du site du naufrage.
Des scientifiques sont aussi à bord du bateau.
La plongée d’une vie se mérite : Il faut compter plus de 2 heures de descente avant de rester 3 ou 4 heures au fond. Au total, l’aventure dure 8 à 10 heures dans un mini sous-marin russe disposant de hublots ne dépassant pas 20 cm de diamètre pour les plus grands.
Trois dates sont prévues en juillet 2012 pour célébrer le centenaire du bateau.
Deep Ocean Expedition, l’organisateur de ces explorations des profondeurs, déclare que ce sont les dernières.
Cobh, là où les derniers montent à bord
Dans le sillage du Titanic, il ne faudrait pas oublier Cobh (Queenstown à l’époque). C’est la dernière escale avant la traversée de l’Atlantique, le 11 avril 1912.
Le nom de ce petit port Irlandais, près de Cork, résonne dans l’esprit de millions de familles. C’est d’ici, entre 1848 et 1950 que sont partis 2 500 000 des 6 millions d’immigrants qui ont fuit misère et répression pour une vie meilleure en Amérique du Nord, en Australie ou en Nouvelle-Zélande.
Cette ville attachante consacre le Cobh Heritage Centre à cette saga.
Un espace est dédié au Titanic.
Le musée est installé dans la gare victorienne où les candidats à l’exil attendaient avant de monter à bord des paquebots.
Informations pratiques
A lire :
« Il était une fois le Titanic, 37 secondes pour changer le cours de l’histoire », Gérard Jaeger, Editions de l’Archipel
« Titanic, l’histoire, le mystère, la tragédie », Corrado Ferruli et Patrick Mahé, Editions du Chêne
« La table du Titanic », Xavier Manente, Alma Editeur
Les villes liées au Titanic se sont regroupées au sein de Titanic Cities pour promouvoir leur mémoire commune (il y a même Liverpool, port d’immatriculation du paquebot et du Carpathia, le bateau venu en aide aux rescapés).
Pour préparer un séjour à Belfast ou à Cobh, parcourez le site de l’Office du tourisme d’Irlande et celui de l’office du tourisme de Belfast.
A Belfast, Susie Millar’s, s’est spécialisée dans les visites guidées autour du Titanic. C’est une histoire qui résonne au plus profond d’elle-même puisque son arrière-grand-père est mort à bord.
Pour préparer un séjour en France regardez le site du CDT de la Manche et celui de l’office du tourisme de Cherbourg.
Pour préparer un séjour en Grande-Bretagne, allez voir le site de l’office du tourisme de Southampton.
Pour préparer un séjour en Nouvelle-Ecosse, jetez un œil au site de l’office du tourisme d’Halifax.
Page réalisée avec Alice Milot
Photos : Alice Milot / Cité de la Mer-Cherbourg / Titanic Belfast / Beveridge / UIG-LEEMAGE / Collection Lagier / J.Mignon / Library of Congress / Collection Cl. Molteni de Villermont / Noaa Photo Library / Costa-Leemage / Irish Tourism Board / Collection Jean Pivain
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2 Comments
Merci Alice pour cette très belle émission !
Palpitante histoire du Titanic. Merci pour les riches interventions formidables et passionnantes !
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