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04 mai 2012 - 18:22
Henri de Toulouse-Lautrec sur ses terres
C’est à Albi, dans sa vie natale, qu’on peut le mieux découvrir cette star de l’art, ce peintre maudit. Le musée qui lui est dédié possède un quart de son œuvre. Il vient d’être entièrement restauré. 40 km plus loin, le château familial conserve toujours de nombreux souvenirs dans l’atmosphère qu’il a connu. La notoriété de Toulouse-Lautrec et l’engouement pour son style attirent autour d’Albi un public nombreux et international, loin des grandes destinations.
Souvent qualifié de « génial nabot » Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) est un personnage insolite et attachant. Son style vif, moderne et coloré plait au public d’aujourd’hui. A travers ses œuvres montrant le Montmartre de la Belle-Epoque, à la fois festif, libertaire et mondain, Lautrec fixe le parfum d’un certain esprit français. Sa vie est digne d’un roman. Voilà bien des raisons pour rendre cet artiste internationalement populaire.
Mais pour bien rencontrer ce précurseur de l’art moderne, il faut aller sur ses terres, dans le Sud-Ouest. La très riche collection du musée d’Albi, le château familial du Bosc, la maison natale, les paysages de son enfance le racontent et le montrent mieux que partout ailleurs.
Malgré son classement en 2010 au patrimoine mondial par l’Unesco, Albi n’est pas encore une destination française qui s’impose dans le peloton de tête. L’engouement pour Toulouse-Lautrec devrait aider à mieux faire connaître les chemins qui mènent jusqu’aux rives du Tarn.
Ecoutez (ou téléchargez) l’émission que nous avons consacré à Henri de Toulouse-Lautrec sur ses terres :
Au musée d’Albi, la plus riche collection dédiée à l’artiste
Grâce au don de ses parents, le musée Toulouse-Lautrec conserve à lui seul un quart de son œuvre. Comme l’explique le conservateur, Daniele Devynck, ce musée est « un lieu de référence pour connaître Henri de Toulouse Lautrec. Une visite ici est indispensable ».
On peut suivre toute l’évolution artistique de Lautrec, de sa jeunesse à ses ultimes travaux. Les visiteurs prennent aussi conscience de l’étendue des techniques pratiquées : peinture, dessin, lithographie, affiche, céramique…
Mais surtout, que de visages et de personnalités face à nous ! Que de vie aussi !
Il croque, avec un sens aigu de la psychologie, sa famille (représentant de la vieille noblesse française), ses amis (artistes engagés et avant-gardistes), les prostituées des bordels qu’il trouvait plus naturelles que les modèles d’atelier. Son coup de crayon ou de pinceau s’attachent aussi à la bohème montmartroise, aux vedettes des cabarets et du café-concert, aux chevaux.
Si les œuvres exposées montrent avec vivacité la Belle-Epoque, elles regardent aussi avec lucidité la nature humaine. Par son regard, son trait et ses couleurs, Lautrec touche universellement chacun de nous. Les décors et les situations de ses tableaux peuvent être triviaux mais pas les personnes qu’il peint. Il n’est jamais voyeur n’ont plus.
Daniele Devynck veut avant tout montrer et faire comprendre l’artiste : peintre novateur, affichiste pionnier entre autre.
Cette collection unique au monde est abritée dans un écrin tout aussi prestigieux. Le palais de la Berbie fait partie des monuments classés par l’Unesco à Albi. Surplombant le Tarn, cette ancienne résidence de puissants évêques s’impose d’abord par son donjon du XIIIème siècle. Remanié aux XVIème et XVIIème siècles, le bâtiment garde de beaux décors (escalier, plafonds peints).
Le palais accueille le musée depuis 1922 mais il lui fallait un bon coup de jeune. La restauration du bâtiment et la restructuration du parcours de visite a duré plus de dix ans.
Ces travaux ont permis de faire d’importantes découvertes. La plus spectaculaire est un pavement de carreaux de terre cuite vernissée intact depuis le milieu du Moyen-Âge. Située dans la grande salle du donjon, cette trouvaille exceptionnelle pousse les historiens à penser que l’espace servait de tribunal à l’Inquisition.
Une visite du musée Toulouse-Lautrec permet aussi d’admirer de beaux tableaux modernes (Bonnard, Bernard, Gauguin, Dufy …) mais aussi un Guardi et deux Georges de la Tour.
Au fil de ses rues, Albi révèle l’enfance de Toulouse-Lautrec
Henri est né à l’hôtel du Bosc, vaste hôtel particulier où logeait toute la famille. Il est posé aux limites de la vieille ville juste à côté de la maison d’un autre enfant célèbre d’Albi, La Pérouse, explorateur et navigateur des Lumières.
C’est à l’hôtel du Bosc qu’Henri de Toulouse-Lautrec est victime du premier accident qui entrainera son infirmité. Mais la cause réelle de sa physionomie si particulière est due à une déficience des tissus osseux certainement engendrée par le mariage consanguin de ses parents.
A l’image de la ville, l’hôtel familial est entièrement bâti en brique. Si Toulouse est une ville rose, que dire d’Albi ? Le matériau impose partout sa présence et sa douce atmosphère. Dans des tons peut-être plus orangés qu’à Toulouse…
En se promenant dans les tortueuses rues anciennes ou dans les cours des maisons Renaissance, il faut scruter les murs pour découvrir que chaque brique a été formée à la main. On voit encore souvent les doigts des briquetiers dans l’argile. Certaines empreintes ont plus de quatre cents ans.
Lors d’une balade en ville, la plus spectaculaire découverte est la cathédrale Sainte-Cécile. C’est la plus grande cathédrale en brique du monde. Il a fallu plus de cent ans (de la fin du XIIIème à la fin du XIVème siècle) pour bâtir cette église forteresse. A l’intérieur, des fresques du Moyen Âge et de la Renaissance recouvrent tous les murs. L’édifice conserve un rare jubé sculpté du XVème siècle (ces clôtures entre les fidèles et les officiants ont pratiquement toutes disparues).
La cathédrale domine le paysage urbain et a accueilli les baptêmes de la famille de Toulouse-Lautrec comme le rappelle Christian Rivière du CDT du Tarn et guide local :
La cathédrale, le palais de la Berbie et le quartier alentour forment la cité épiscopale. C’est cette dernière qui est classée au patrimoine mondial par l’Unesco depuis 2010.
Il faut aussi aller voir la collégiale et le cloître Saint-Salvy tous proches (faites une visite virtuelle d’Albi en cliquant ici).
Le patrimoine de la ville a été délicatement restauré pour le plus grand plaisir des albigeois et des visiteurs. Il faut également s’attarder sur les bâtiments du début du XXème siècle. Ceux-là, Henri de Toulouse-Lautrec ne les a pas connu quand il habitait ici, comme l’explique Christian Rivière :
Un intéressant et séduisant musée de la mode, imaginé autour des costumes et accessoires amassés par un des plus grands collectionneurs privés français, complète la visite découverte d’Albi.
Le château du Bosc, parenthèses heureuses et familiales
A 45mn en voiture d’Albi, dans le département voisin de l’Aveyron, le château du Bosc surveille depuis des siècles les prés et les bois vallonnés des environs.
Construit au Moyen Âge, le château a été remanié aux XVIème et XVIIIème siècles.
C’est la demeure familiale. Henri de Toulouse-Lautrec y passe une partie de son enfance. Il y revient adulte pour d’apaisants moments en famille, loin du tumulte et du tourbillon parisiens.
A l’intérieur, les salons et la salle à manger ont toujours les décors que l’artiste a connu. Jamais vendu, le château du Bosc abrite des collections allant de la Renaissance au XIXème siècle. Ici, plus que partout ailleurs, le visiteur ressent la filiation aristocratique de Toulouse-Lautrec. L’atmosphère est toujours celle d’une demeure de la vieille noblesse française.
De nombreux objets et documents rappellent le peintre. C’est l’homme, avant tout, qu’on rencontre ici. On y voit des jouets d’enfant comme son théâtre de marionnette, le voilier qu’il a sculpté après son accident à 13 ans, une boîte de tubes de peintures. Les photos familiales sont touchantes également.
Au second étage, une étrange relique permet de se mesurer à Toulouse-Lautrec. Sur un mur, les enfants de la famille avaient l’habitude de marquer leur taille, années après années. Au milieu des prénoms de ses cousins, Henri arrête la sienne à 18 ans à 1,52m. Sa petite taille légendaire est la conséquence de ses accidents et de sa maladie génétique. On s’aperçoit alors que le peintre n’était pas grand mais on ne peut pas, pour autant, dire qu’il était nain.
Une photo familiale où il ne porte pas la longue redingote à la mode au XIXème siècle permet de le voir avec une silhouette moins tassée. Mais le vrai profil n’arrive pas à ôter de nos mémoires les nombreuses caricatures de l’artiste.
Au rez-de-chaussée, dans l’ancienne orangerie, le peintre a laissé une insolite trace de son œuvre. Il a crayonné des caricatures et une scène de cirque à même le mur, dans l’embrasure d’une porte fenêtre. Comme le souligne avec humour Nicole Tapié de Ceyleran, la propriétaire, « ce sont les seuls Lautrec qu’on ne peut pas voler ! ». L’humour et la vivacité d’esprit de l’artiste sont palpables dans ces dessins spontanés.
A table avec Lautrec
Henri de Toulouse-Lautrec était un bon vivant. Ses photos révèlent un esprit vif. Son parcours montre qu’il a croqué la vie à pleine dents et son œuvre évoque ses dérives noctambules dans le Paris de la Belle Epoque.
Mais on sait moins que Lautrec était gourmand. Il passait lui-même des heures en cuisine.
Maurice Joyant, son ami d’enfance et marchand, a publié en 1930 « La cuisine de Monsieur Momo » (réédité en 2011 par les éditions Menu Fretin). L’ouvrage, co-signé avec le peintre, rassemble 200 recettes chères à l’artiste. On y retrouve l’humour grinçant et l’irrévérence de Lautrec, un proche d’Alfred Jarry, le créateur du Père Ubu. Certaines recettes sont de purs délires comme le « saint sur le grill ». Beaucoup d’autres sont bien réalisables mais le goût du XIXème siècle ne correspond plus au notre.
A Albi, le restaurant Le Lautrec, installé dans les anciennes écuries de l’hôtel du Bosc, met à sa carte quelques plats favoris de Lautrec, réadaptés.
Passons dans la cuisine du Lautrec avec son chef, Antoine Caramelli qui présente un dessert puisé dans « La cuisine de Monsieur Momo » (retrouvons-y aussi Danièle Devynck, conservateur du musée Toulouse-Lautrec) :
Si Henri de Toulouse-Lautrec revenait dans sa ville aujourd’hui, il irait, à n’en pas douter, à L’Esprit du vin et à L’Epicurien, deux bonnes tables inventives. Avec les bons produits du Sud-Ouest, les matières premières labélisées de la région et le vignoble de Gaillac, il y a de quoi étonner les papilles !
En balade dans le Tarn, retrouvons l’écho de Toulouse-Lautrec
A 30 km d’Albi, au cœur du pays de Cocagne, le village de Lautrec est le berceau de la famille du peintre. Cette petite cité médiévale s’enorgueillit de deux prestigieux labels. C’est un des « plus beaux villages de France » grâce à son site et son patrimoine. C’est également un « site remarquable du goût » : l’ail rose qui est produit ici fait la réputation du bourg.
Le château de Mauriac, au cœur du vignoble de Gaillac (un des plus vieux de France), a appartenu à un cousin de l’artiste : Alexis Tapié de Ceyleran. Bernard Bistes, un peintre figuratif le restaure depuis des décennies. Il a redonné de la splendeur à ce monument en péril en ayant décoré « à la manière de » salons et chambres du château. Tout ou presque sort de son imagination. Un vrai délire soutenu par de nombreux meubles et objets anciens.
Sur la butte opposée, le château de Salettes, lui aussi en piètre état, a retrouvé sa stature aristocratique. Ce petit ensemble médiéval, jadis propriété de Hugues III de Toulouse-Lautrec est devenu un hôtel ****. Les chambres, toutes différentes, jouent sur la sobriété et le design épuré du mobilier et de la décoration. Le restaurant est gratifié d’une étoile dans le guide Michelin. Le domaine produit toujours des vins de Gaillac.
Informations pratiques
Pour préparer un séjour sur les traces de Toulouse-Lautrec dans le Sud-Ouest, jetez un œil au site du CDT du Tarn.
Photos : Ludovic Dunod / Musée Toulouse-Lautrec, Albi, Tarn / CDT Tarn, C. Rivière / CDT Tarn / CDT Tarn, Jimenez / François Pons, Musée Toulouse-Lautrec / Musée Toulouse-Lautrec / Ville d'Albi / Ville D'Albi, Ludovic Bladge /
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