06 sept. 2013 - 18:01
De Ouarzazate, en voiture pour « la route des mille kasbahs » !
Au nord se dessinent les cimes neigeuses du Haut-Atlas, là où l’oued Draa prend sa source avant de couler pendant presque 200 km dans une vallée vers le Sud. Cette vallée du Draa possède une incroyable diversité de paysages, entre désert de cailloux, plaines verdoyantes, palmeraies et montagnes hérissées de ksours et de kasbahs. L’itinéraire nous paraît plein de promesse de découvertes…
Ecoutez (ou
téléchargez) l’émission que nous avons réalisée sur la vallée du Draa et le festival international des nomades de M’Hamid :
Une architecture singulière
Nous quittons à peine le centre-ville de Ouarzazate qu’une première halte s’impose à Taourirt, un ancien village berbère fondé au XIIIe siècle et sur lequel est venu s’accoler la kasbah du Glaoui.
Elle surgit comme un immense château de sable dans le désert et impressionne d’emblée. Construite dès le XVIIe siècle, la kasbah est remaniée par la famille El Glaoui en 1882. Ces seigneurs de l’Atlas sont entre autres pachas de Marrakech et dominent une partie du Sud Marocain.
Passé le grand portail en bois clouté, on pénètre dans un vaste dédale de petites ruelles et de cours en passant, à chaque fois, par des portes de bois brut d’une rare et simple élégance.
La kasbah est l’équivalent nord-africain de nos châteaux forts ou des palais indiens des maharajahs. Les familles de dignitaires y vivaient entourées d’une importante domesticité.
Mais ici, pas de pierre. On est au pays de l’architecture de terre crue. Travaillée en pisé (mélange de terre, de gravier et de fibres végétales) ou en brique, l’argile marocain permet de dresser des palais hors normes qui paraissent à la fois invincibles et fragiles.
Les tours crénelées de la kasbah de Taourirt, comme ses murailles crépies ou ses hautes fenêtres, sont ornées d’élégants dessins géométriques. Ils animent une architecture séduisante et protectrice, mais austère.
Les kasbahs et les ksours (villages fortifiés) de la région sont connus du monde entier. Ils servent depuis plusieurs décennies de décor aux nombreuses grandes productions internationales qui sont tournées dans les studios de Ouarzazate.
Au gré des fantaisies des réalisateurs, on les a pris pour des fortifications du Moyen-Orient dans « Lawrence d’Arabie » de David Lean, pour un village de l’Egypte antique dans « Astérix et Obélix, mission Cléopâtre», ou pour des architectures tibétaines et indiennes dans le « Kundun » de Martin Scorsese !
Le décor le plus souvent utilisé reste certainement le ksar d’Aït-Benhaddou qu’on aura pris soin d’aller visiter avant de s’avancer sur la route de la vallée du Draa. Il est situé au nord-ouest de Ouarzazate. Le vaste bouquet de tours crénelées qui s’adosse à la colline donne au site une dimension poétique et pittoresque remarquable. Il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
Cap plus au sud, sur l'ancienne route des caravanes
Retour sur la route de la vallée du Draa. Après Taourirt, on suit d’abord un bitume sinueux à travers des montagnes arides et érodées. Il faut être concentré pour suivre le fil d’un chemin parfois accidenté où le code de la route fait office de détail. Quelques îlots de verdure émergent ici et là du paysage minéral, déclinant différents tons d’ocre.
A Partir de Agdz, la superbe vallée du Draa laisse apparaître ses premières oasis. Elles ne sont jamais bien loin de l’oued qui vient nourrir cette nature verdoyante où la succession des palmiers semble indiquer le chemin.
Zagora, la capitale administrative locale est aujourd’hui la ville étape des touristes qui fréquentent la région. Ils séjournent dans les hôtels pour rayonner aux alentours et descendent rarement plus au sud.
« Etape » est un mot inscrit dans l’identité même de Zagora puisque la cité a longtemps servi de lieu de repos aux caravanes qui traversaient la vallée du Draa.
La route était déjà connue des Romains. Pendant de nombreux siècles, l’axe a eu une intense activité caravanière, reliant l’Afrique noire au-delà du Sahara aux ports et villes impériales du nord du Maroc. Il faut imaginer les deux mois de marche nécessaires pour franchir entre 1 500 et 2 000 kilomètres.
Des caravanes parfois gigantesques avec plusieurs milliers de dromadaires transportaient de l'ambre, de la gomme arabique, des peaux venues du Nord, des bijoux, du tissu, des dattes et du blé entre autres. Les attaques sur cette longue traversée étaient monnaie courante. Elles furent plus intenses encore quand les Arabes commencèrent à échanger l'or du Ghana, des esclaves ou du sel.
Situé à une vingtaine de kilomètres de Zagora, sur l’ancienne route des caravanes menant jusqu’à Tombouctou, Tamegroute est un village creusé dans la roche avec ses maisons de pisé où vivent la majeure partie de ses 6 000 habitants.
Il doit sa célébrité à une importante zaouïa. Dans le monde musulman, une zaouïa est un complexe religieux regroupant une mosquée, une école coranique, des salles de méditation et un centre d’accueil des indigents.
Celle de Tamegroute, fondée au XVIIe siècle par Sidi Mohammed Ben Nacer, est le quartier général de la confrérie “Naciri”, très influente pendant plusieurs siècles dans le Sud marocain.
La bibliothèque est l’emblème de cette époque florissante. Ben Nacer, voyageur érudit, rapporta de ses voyages vers la Mecque des ouvrages de tous les pays arabes traversés. Sur les rayonnages, on trouve des livres manuscrits de mathématiques, astrologie, religion, littérature, poésie… 4 000 ouvrages ont été collectés à cette époque et représentent aujourd’hui un patrimoine inestimable.
A quelques mètres de là, dans la cour intérieure de la zaouïa, on rencontre de pauvres gens malades qui séjournent pendant des semaines et des mois, à l’ombre du mausolée de Ben Nacer, pour recevoir la baraka, une guérison miraculeuse prodiguée par le saint homme. Installés à l’ombre des arcades qui entourent cette grande place, ils font des allers-retours vers la petite fontaine ou vers le mausolée pour prier.
Tamegroute retient aussi les voyageurs pour ses ateliers de poterie toujours en activité. On peut y suivre les différentes étapes de fabrication, voir les techniques et savoir-faire inchangés depuis des générations. Les artisans continuent de mélanger de la terre en poudre et de l’eau dans des bassins creusés dans le sol. C’est cette pâte d’argile qui est façonnée au tour entre les mains expertes des potiers.
Assiettes, bols ou jarres passent ensuite au four dont le foyer est nourri de feuilles de palmiers séchées. Il en sort des poteries émaillées de vert, typique de Tamegroute et ses environs.
Aux portes du désert
Nous voilà arrivés à M’Hamid el Ghizlane, aux portes du désert. Ici vivent des familles de nomades semi-sédentarisées qui, pour les plus jeunes, se sont convertis dans le tourisme et font découvrir le Sahara à des voyageurs en majorité européens. Etape légendaire dans le commerce transsaharien, cette bourgade enclavée et poussiéreuse est devenue un site d'excursions à dos de dromadaire.
Les dunes ne se trouvent qu’à quelques kilomètres seulement et on peut partir deux jours en bivouac pour découvrir les charmes et l’intensité du désert et de ses nuits constellées d’étoiles.
C’est ici, à M’Hamid, que se déroule depuis dix ans le
festival international des nomades au mois de mars. Trois jours de fête pendant lesquels se produisent, tous les soirs, sur la place du village, des danseurs et musiciens nomades. Venus parfois de loin (Norvège, Roumanie, Inde), ils rassemblent devant la scène une foule improvisée et joyeuse qui danse à l’unisson de la musique qui résonne à des kilomètres alentour.
Sauvegarder et promouvoir le patrimoine des nomades, affirmer leur culture ancestrale et préserver leur environnement, sont les enjeux de ce festival chapeauté par l’association Nomades du Monde.
La musique sert de relai pour sensibiliser le public au nomadisme et à travers lui, à un autre rapport au monde, plus à l’écoute de la nature et des réels besoins de l’homme. Un marché permet aux petits producteurs de la région de faire découvrir leurs produits : miel, semoule, huiles d’amande, d’arachide, d’argan... avec comme principale ressource régionale économique et alimentaire, la datte.
Ce marché est aussi le miroir des initiatives qui cherchent à fixer la population dans cette région isolée quand tant de jeunes veulent partir en ville, rêvant d’un niveau de vie meilleur. Des tables rondes et des débats autour de l’avenir de la vallée et de la culture nomade sont aussi organisés.
Rendez-vous à M’Hamid en mars prochain ?
Page réalisée en collaboration avec Stéphanie Labadie
Photos : Stéphanie Labadie
Au sud du Maroc, la route qui mène de Ouarzazate à M’Hamid descend le long de la vallée du Draa. Axe d’échange déjà connu sous l’Antiquité, la vallée apparaît comme une saillie verdoyante au milieu d’un décor minéral. C’est le pays des ksours et des kasbahs. Au bout de la route, M’Hamid s’ouvre sur le Sahara. En mars, il accueille le Festival International des Nomades, une bonne occasion pour faire ce voyage. 
1 Comments
Ces photos font rêver
Poster un nouveau commentaire