Voyager est un art pluriel. Chacun le conçoit avec ses propres images, ses propres rêves, ses propres attentes. Il y a un monde entre un « voyage organisé » et une longue pérégrination solitaire. Un monde qu’on tente de réunir en proposant à nos auditeurs, lecteurs et internautes de partir avec nous sur des chemins de cultures, de découvertes, de rencontres... Sans à priori, curieux et avides de partage pour mieux connaître la planète. On trouve ici nos émissions, des bonus, nos humeurs, des photos, des films... un simple rendez-vous des voyageurs! NOUS ECRIRE
03 févr. 2014 - 21:59
Sur les chemins de l'olivier dans les Baux-de-Provence
Entre la vallée et ses arbres de lumière, l’histoire dure depuis des siècles... Symbole méditerranéen mais aussi provençal par excellence, l’olivier a façonné ici le paysage mais aussi l’identité de la région. Des passionnés perpétuent la tradition et proposent encore aujourd’hui la première production française d’huile d’olive. Une histoire de cœur, de terroir mais aussi de mémoire paysanne…
Depuis des siècles, dans ce vallon aux pentes arides, au cœur de la Garrigue et du massif calcaire des Alpilles, l’olivier a trouvé de quoi s’épanouir et durer. Mais plus qu’un simple élément de décor pour carte postale provençale, l’arbre, symbole de paix et de sagesse, fait partie intégrante de l’identité mais aussi de l’économie de la vallée.
Première production d’huile d’olive de France, le nectar vert de la vallée des Baux se distingue par son raffinement, la richesse de ses arômes mais aussi sa fabrication largement artisanale, voire familiale. Confrontés à un marché dominé par la suprématie écrasante de l’Espagne, la Grèce et l’Italie (qui affiche, à eux trois, plus de 75% de la production mondiale), les passionnés de la région maintiennent contre mistral et mauvaises récoltes, leur petite production, désormais protégée par une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC).
En voyage sur les chemins de l’olivier, on va de moulin en coopérative, à travers les oliveraies où les filets tendus indiquent le moment de la récolte automnale. Pour finir forcément en dégustation, en compagnie d’oliverons toujours prêts à partager leur savoir-faire et leur amour de la terre mais surtout…des oliviers.
Ecoutez ou téléchargez l’émission que nous avons réalisée sur l'huile d'olive de la vallée des Baux-de-Provence :
Difficile d’imaginer les paysages de Provence sans sa garrigue, sa lavande odorante mais aussi…ses champs d’oliviers ! Arbre rustique et éternel, l’olivier, avec ses reflets vifs argent fait partie du décor mais aussi de la culture provençale. C’est aussi l’arbre méditerranéen par excellence. Là où il a trouvé chaleur, luminosité et aridité des sols…
Signalé en Egypte 6000 ans avant JC, l’olivier n’en est qu’au début d’une très longue histoire. Dans tout l’Empire romain, en Sicile, en Grèce, à Chypre, en Syrie, en Judée etc… les textes faisant référence à l’arbre et à sa culture, abondent. Symbole de paix, de sagesse et de victoire, il est aussi présent dans les textes fondateurs de nos cultures : Thora, Talmud, Bible, Coran. Par exemple, dans l’Ancien Testament, c’est un rameau d’olivier que ramène la colombe à Noé pour annoncer la fin du déluge.
Mais c’est certainement dans la Grèce antique que cet arbre, vécu comme un cadeau des dieux, revêtait le plus de symboles mais aussi d’usages. On sculptait le bois de l’olivier pour les statues sacrées. On consommait son huile bien sûr mais on se lavait aussi avec. On s’en servait également pour l'éclairage ou le graissage du corps des athlètes à l’occasion des jeux olympiques de l’Antiquité. Ses vertus médicales ont largement été vantées par Hippocrate. Beaucoup de croyances et de légendes lui sont attribuées. Certainement en raison de la résistance de l’arbre à l’épreuve du temps et des intempéries.
Introduit sur le continent français, à Marseille, aux environs de 600 ans avant JC, au moment de la fondation de la ville (Massilia) par les Phocéens, l’olivier s’est particulièrement développé à mesure que le christianisme se répandait en Provence. En effet, on utilisait l’huile d’olive pour les cérémonies religieuses mais aussi pour éclairer les lampes sur les autels des églises.
Au Moyen-Âge, l’huile s’échange de l’Espagne musulmane à la Syrie tandis que la production de l’Occident chrétien ralentit, à l’exception des commerçantes Venise et Gènes. Les pressoirs se mécanisent et la monoculture se répand, accompagnant une forte demande industrielle dès le XVIème siècle, pour la laine et le savon. L'oléiculture reçoit donc une nouvelle impulsion pour répondre à ces nouveaux besoins créés par l’industrie textile et savonnière (l’huile d’olive ayant fait son entrée dans la célèbre recette du savon de Marseille !)
Mais c’est surtout en cuisine que l’huile d’olive, saura être appréciée à sa juste valeur. Progressivement, la petite bouteille verte aux reflets d’or s’est imposée sur les tables du monde entier, en assaisonnement ou en matière grasse de base. Depuis une trentaine d’années (régime crétois oblige ;-), la demande n’a cessé de croître à travers le monde, jusque dans les marchés émergents que sont la Chine, le Brésil ou la Russie.
Ainsi, en Europe du Sud, on mise énormément sur l’huile d’olive au point d’en faire dans certaines régions une véritable monoculture. Aujourd’hui, tout autour de la Méditerranée, on retrouve donc d’immenses plantations d’oliviers, sur un modèle de culture hyper-intensive, souvent peu respectueuse de l’érosion des sols et de l’environnement. En 2012, le trio Espagne, Italie et Grèce produit plus de 2 tonnes d’huile d’olive. Un océan comparé aux 350 tonnes produits la même année dans la Vallée de Baux de Provence. Et pourtant, cette petite production d’huile d’olive s’affiche comme la première de France. Pas étonnant donc que le pays importe plus de 95% de sa consommation...
Quand on arrive dans la vallée des Baux par les petites routes de campagne, on est immédiatement saisi par la beauté des lieux. Avignon n’est qu’à 20 kilomètres au sud et pourtant, les reflets gris-blancs des Alpilles nous plongent déjà dans un ailleurs, sauvage et préservé. On est au cœur du parc naturel régional des Alpilles (qui s’est trouvé tout logiquement un rameau d’olivier pour emblème), où entre les cyprès, les champs de vigne et quelques terres de maraîchage ponctuées d’arbres fruitiers, l’olivier domine. La vallée des Baux de Provence avec environ 580 000 arbres cultivés sur près de 1450 hectares est le premier bassin oléicole de France.
Une bonne manière de se faire une idée de l’ampleur de cette culture et d’admirer cette mer d’oliviers est de monter tout en haut des Baux, l’un des plus beaux villages de France accroché au sommet de la roche. Avec ses petites ruelles pavées, ses terrasses ombragées et ses maisons de pierre, le village médiéval semble avoir traversé le temps. Mais très vite, le pittoresque est bousculé par les cars de touristes garés sur le parking à l’entrée du village. Chaque année, ils affluent par million pour visiter le château du XIIe siècle mais aussi la vue impressionnante à son sommet.
Cette forteresse en ruines représente l’un des principaux bastions de la Provence médiévale. Durant tout l’été, des animations autour des immenses catapultes réalisées à partir de croquis du XIIIe siècle nous renvoient aux combats de l’époque. Elles nous rappellent aussi l’histoire et la puissance de la dynastie des Baux.
Cette grande famille provençale possédait au Moyen-Age près de 79 villes ou places fortes appelées « les terres Baussenques », réparties dans toute la Provence jusqu’en Italie. Tantôt rattaché à la couronne royale tantôt rebelle, ce royaume fût finalement démantelé en 1483 sous Louis XI. Peu à peu abandonné, le village des Baux-de-Provence ne comptera plus que 400 habitants à la fin du XIXe siècle, alors qu’il en comptait 3 000 au XIIIe siècle.
De nos jours, avec ses 22 habitants dans la partie haute des Baux (381 pour toute la commune), le village des Baux est devenu une destination hyper-touristique. Avec son million et demi de visiteurs par an, le lieu fait figure de « petit Mont Saint Michel au cœur de la Provence », entièrement dévolu au tourisme de masse.
Cependant, au sommet, on peut heureusement échapper à la foule et observer dans une relative quiétude le panorama époustouflant qui s’offre à nous. A 200 mètres au dessus de la plaine, les jours de ciel bleu, on peut même deviner au loin les marais salants de Camargue ! Entre les collines, quelques parcelles de terre rouge nous rappellent aussi l’existence des dernières carrières de bauxite, un minerai auquel les Baux ont donné leur nom et qui sert à fabriquer l’aluminium.
Par temps de récolte, on peut également deviner les tracteurs et les remorques garées dans les oliveraies situées en contrebas. Dans la vallée, on dénombre cinq variétés principales d’olives : l’aglandau, la verdale, la salonenque, la picholine (la moins typique) et la grossane. Cette dernière, charnue et juteuse, ressemble un peu à du raisin noir et se trouve être la plus répandue dans la région. C’est aussi la variété qui suscite le plus d’attachement parmi les habitants de la vallée, car elle est liée à leur histoire. On raconte ainsi qu’au Moyen-Age, elle était chauffée puis versée depuis les remparts sur les assaillants, technique de défense aussi efficace que redoutable. L’utilisation qui en est faite aujourd’hui, beaucoup plus pacifiste, va de l’huile d’olive aux arômes de pamplemousse aux olives cassées, servies à l’apéritif.
En balade sur les chemins de l’olivier dans la vallée, il ne faut pas hésiter à visiter les moulins pour la plupart ouverts au public mais aussi à vous arrêter au bord de la route, le long des oliveraies pour vous approcher un peu de l’arbre et de ses fruits savoureux. Des sentiers pédestres autour de cette thématique sont également proposés par le parc naturel des Alpilles qui a édité une jolie brochure « Les Alpilles Buissonnières » à télécharger… Enfin, pour les plus « fadas » de l’olivier, nous vous recommandons évidemment de venir ici au moment de la récolte, à l’automne. Les chances d’y croiser un oliveron sur son domaine y sont quasi-assurées… Et qui sait, il vous divulguera peut-être un peu des secrets de l’olivier !
Avec son tronc noueux, ses longues racines qui lui permettent de puiser l’eau en profondeur, son feuillage vert-argent et ses trois mètres de haut, l’olivier inspire d’emblée le respect mais aussi le mystère. Et dans la vallée des Baux de Provence, il a indéniablement fière allure ! Déjà, il peut avoir jusqu’à quatre troncs repoussés à partir des vieilles souches recepées lors du terrible gel de 1956. Aussi, les branches se répandent sur une surface plus grande et donnent aux arbres vus du dessus l’apparence de jolies corolles de feuilles. Ce qui nous rappelle le caractère éternel de l’arbre mais aussi illustre la très grande résistance de l’arbre aux intempéries les plus dramatiques, comme lors du fameux gel de 1956, où les deux tiers des oliviers provençaux avaient été décimés.
Plus d’un demi-siècle après, dans la vallée, on parle encore de ce gel historique, au cours duquel on entendait, selon les anciens, « craquer les oliviers ». Dans la région, on a failli définitivement remplacer l’olivier par la vigne. Mais cet arbre ne s’est jamais avoué vaincu et a toujours « su renaître de lui-même » pour reprendre les mots de Sophocle. Aujourd’hui, on peut encore admirer les vieux arbres pluri-centenaires mais aussi constater à quel point la culture de l’olivier et les nouvelles plantations ont repris de plus belle, suite au regain de popularité qu’a connu l’huile dans les années 80-90.
Comme tous ses congénères des bords de Méditerranée et d’ailleurs, l’olivier des Baux n’a pas besoin de beaucoup d’eau. Juste ce qu’il faut. Au climat ensuite et ses aléas de faire le reste… Une chose est sûre : l’arbre exige une grande luminosité, des étés chauds et secs, des automnes et des printemps pluvieux mais aussi des hivers doux. Pas mal d’exigences et contraintes qui font de sa culture une science jamais exacte… Du coup, chaque récolte est toujours vécue avec un peu d’inquiétude : on ne sait jamais à quelle production s’attendre.
Il faut dire que le (vieux) monsieur affiche pas mal de particularités. Dans sa reproduction notamment. En effet, contrairement aux autres arbres fruitiers, il n’y a pas de pollinisation par les abeilles (ce qui permet à la fleur de se transformer en fruit) mais par le vent. Heureusement dans la région, le mistral souffle fort. Aussi, il n’est naturellement reproductif qu’une année sur deux. Il faut donc le tailler soigneusement pour corriger ce cycle reproductif biennal. Qualifié de capricieux ou de caractériel, l’olivier n’a en gros besoin de personne. A moins qu’on ne lui réclame son huile. Auquel cas, il faut en prendre soin. En le taillant donc et en le protégeant des maladies, l’œil de paon et la mouche constituant ses pires ennemis, pouvant gâcher des récoltes entières.
Jamais identiques et par nature insaisissables, ces arbres d’éternité ont toujours inspiré les artistes, faisant dire à Jean Cocteau, grand poète, dramaturge et cinéaste de la première moitié du XXe siècle, que « l’olivier n’est pas commode à prendre piège. C’est un songe d’arbre, une fumée d’arbre ». Des peintres comme le grand maître impressionniste, Vincent Van Gogh, durant son séjour provençal, s’y sont largement essayés. Mais, en vain d’une certaine manière…
Car l’olivier change sans cesse de couleur et d’aspect, selon le vent ou la lumière qui joue à travers… « C’est à vous rendre fou…», dira Auguste Renoir, le grand peintre qui passa les dernières années de sa vie, sur son domaine des Colettes, dans les hauteurs de Cagnes-sur-Mer, à observer ses oliviers. Et c’est vrai que le spectacle de ses feuilles qui dansent dans le mistral peut confiner à l’hypnose. Ce qui fait dire à tous ceux qui le côtoient, qu’ils soient oléiculteurs, cueilleurs ou simple promeneurs, que l’olivier est attachant, voire addictif. En Provence, il fait un peu penser au papé du village, l’ancêtre sage et plein d’histoires, qui force le respect et l’admiration…
C’est à l’origine des feuilles que se développent au printemps ses fleurs blanches et odorantes. Seules 5% d’entre elles donneront des olives qui pendant l’été vont peu à peu générer de l’huile, pour atteindre leur pleine maturité à l’automne. C’est le moment de la récolte, les fameuses olivades.
Chaque année, novembre marque en Provence le début de la récolte des olives. Ce sont les Olivades, un mois de fête et de cueillette pendant lequel les oléiculteurs, cueilleurs, saisonniers et habitants de la vallée vont arpenter les champs d’oliviers dans un même engouement général. Des filets sont alors répandus au pied des oliviers pour y récupérer sans les abîmer les olives tombées à terre. Et pour pouvoir accéder aux branches, on utilise souvent une échelle à trois pieds (ou cavalet), semblable à un grand chevalet, pour épouser la forme de l’arbre.
Pour les oléiculteurs qui ont des surfaces de récolte plus grandes, la technique du gaulage est la plus courante. Il s’agit de grands manches sur lesquels sont fixés des griffes métalliques ou des petites hélices mécanisées qui viennent titiller les branches et faire tomber le fruit. Elles permettent un rythme de récolte quatre à huit fois plus rapide qu’à la main. A l’heure des olivades, le ronronnement des appareils électriques a désormais remplacé celui des grillons. Or, si la production s’est peu à peu mécanisée, certaines olives continuent de se cueillir directement à la main ou au peigne. En particulier, quand il s’agit d’olives qui vont être dégustées entières, à table.
En période de récolte, on se retrouve face à de véritables scènes d’antan où des gestes millénaires se répètent et se perpétuent. Avec son panier en osier traditionnel solidement arrimé au cou ou porté sous le bras, le cueilleur à la main fait alors courir les olives sur le rameau vers le panier. On dit qu’il faut « traire le rameau »… Un geste en apparence simple mais qui demande beaucoup d’adresse quand il s’agit de cueillir cent kilos d’olives en une journée, soit le rendement d'un bon cueilleur.
Bien que les terrains valent de plus en plus chers dans la vallée des Baux, il n’est pas rare de voir encore aujourd’hui bon nombre de particuliers garder leur petit bout de terrain et s’efforcer de tailler et cultiver les quelques oliviers centenaires restés dans la famille. Un peu à l’image des petits vignobles, on est en présence d’une culture qui mêle joyeusement professionnels de l’olive et simples amateurs.
Tous les week-ends de novembre, dans la vallée des Baux, on croise donc familles et amis venus profiter de ces olivades comme d’un moment privilégié. Comme placés hors du temps, en écho aux anciens… En balade dans les oliveraies, au moment des récoltes, on repense alors aux écrits de Jean Giono, grand écrivain du XXe siècle qui a su si bien raconter et défendre la mémoire paysanne mais aussi l’olive : « La Provence de mon père c’est la civilisation de l’olive. Rien ne se fait sans elle et sans les herbes des collines », écrivait-il.
Une fois cueillies, les olives partent directement vers le moulin pour y être pressées fraîchement, en moins de 48 heures de temps…
Aujourd’hui, on dénombre treize moulins dans la vallée des Baux répartis entre les communes de Mouriès, de Maussane et Fontvieille… Tournant à plein régime pendant les olivades, ces lieux sont souvent organisés autour de structures coopératives, qui permettent aux oléiculteurs et aux particuliers de venir presser leur huile mais aussi aux touristes de venir découvrir la fabrication du précieux nectar de la vallée.
Au XVIIe siècle, on ne comptait plus les moulins pressoir dans la vallée, comme en témoigne le Moulin Jean-Marie Cornille, situé à Maussane-les-Alpilles et construit entre 1600 et 1620. En visite dans cette vieille bâtisse de pierre voûtée, on y découvre aujourd’hui tout l’appareillage moderne d’un moulin à huile actuel (broyeur métallique, meules de granit, broyeurs métalliques, cuve en inox…) mais aussi un vieux grenier, resté en l’état, qui nous rappelle comment étaient traditionnellement stockées les olives. En effet, auparavant, l’huile d’olive était obtenue après maturation des fruits en greniers, stockées par lot de dix tonnes durant deux à trois jours.
Une fermentation anaérobie (sans air) va alors libérer de l’énergie et de la chaleur, un procédé aujourd’hui rare, qui vient exacerber le fruité de l’olive tout en atténuant son amertume. C’est ainsi que les Provençaux avaient pour habitude de savourer leur huile, avec ce que l’on appelle un fruité ou un goût noir. Aujourd’hui, le Moulin Cornille se présente comme le plus gros producteur français de cette huile aux saveurs d’autrefois, avec plus de 90% de sa production en huile d’olive fruité noir.
A l’intérieur des moulins, la visite vaut tous les grands discours sur les étapes de la fabrication d’huile d’olive. Après stockage, on voit les olives partir sur un tapis roulant jusqu’à la première étape du circuit de production : le broyage. C’est de là qu’elles partiront ensuite vers le pressoir d’où elles prendront la consistance de pâte.
La décantation permettra ensuite de séparer la matière solide (débris de noyaux, d’épiderme..) des fluides (huile et eau de végétation), la centrifugeuse se chargeant enfin de séparer l’huile de l’eau. A l’issue des visites, des sessions de dégustation sont organisées pour mieux saisir la complexité du breuvage, en particulier en matière de fruité noir. L’huile d’olive de Cornille a été médaillée d’argent au concours du salon de l’agriculture en 2010.
Plus loin, au moulin coopératif de Mouriès, la visite vaut le détour rien que pour ses instantanés de vie locale et paysanne. En pleine période de récolte, en fin de journée, il faut remonter la file de voitures et de camionnettes qui se pressent au moulin et voir ces centaines d’amoureux de l’olive déverser leurs kilos d’olives précieusement cueillis. La pesée reste un moment convivial, propre à tous les paris. Et durant cette période, le moulin tournera toute la nuit pour écouler au petit matin des litres d’huile d’olive fraîchement pressés. Là aussi, amateurs et professionnels s’y retrouvent. Et parmi les amateurs, certains vont choisir de garder leur huile pour la consommer et la partager en famille. D’autres choisiront de la vendre à la coopérative qui se chargera ensuite de sa commercialisation.
Enfin, pour les touristes et curieux de plus en plus nombreux, le moulin coopératif de Mouriès, datant du XVIIe siècle, propose également des visites guidées afin de « remonter le temps », dans son mas à l'architecture Baussenque, à la découverte de sa meule en granit et de ses presses à scourtins…
On vous recommande d’ailleurs chaleureusement de pousser la visite dans la ville de Nyons, hors des limites de la vallée des Baux, à La Scourtinerie. Cela vaut vraiment le détour. Dans cet atelier-musée, tenu de père en fils par la famille Fert, vous découvrirez comment les scourtins, ces petits couffins circulaires fabriqués en fibre de coco, servaient jadis à filtrer la pâte d'olive afin d'en extraire l'huile. Cet accessoire historique n’est aujourd’hui plus utilisé que dans quelques moulins provençaux et corses mais il est encore fabriqué à la main ici et vendu et détourné en tapis ou paillasson… Les touristes venus de France et d’Europe du Nord sont nombreux à venir découvrir ce savoir-faire typiquement provençal. Le tout après une petite dégustation d’huile d’olive dans les moulins du coin, évidemment !
En effet, pas de visite de moulins, sans dégustation à la fin ! Et comme dans le vin, l’huile d’olive s’y prête plutôt bien. En particulier, pendant les olivades, où l’affaire devient très sérieuse. En effet, c’est à ce moment que tous les professionnels de l’olive de la vallée des Baux testent les premiers échantillons de l’huile nouvelle. L’examen se fait à l’aveugle et obéit à des critères très précis. Dans un recueillement absolu, chaque participant inspire l’huile dans la bouche, en laissant passer l’air par le nez, la perception des arômes se faisant de façon rétro nasale afin d’identifier les arômes, l’amertume ou l’ardence. Sans parler de la texture, plus ou moins fluide ou grasse. De plus en plus, sur le modèle du vin, on parle donc d’oléologie où comme pendant une session d’œnologie, l’huile se savoure mais surtout se comprend et s’apprend. En terroirs, en arômes, en mets d’accompagnement, en AOC…
En août 1997, la vallée de Baux de Provence s’est vu reconnaître par décret trois appellations d’origine contrôlée pour ses olives noires d’une part, ses olives cassées d’autre part, et son huile d’olive enfin. Europe oblige, l’huile d’olive des Baux de Provence fait désormais partie d’une AOP (appellation d’origine protégée). Il existe en tout sept huiles d’olive labellisées AOP en France.
Le territoire de l’AOP des Baux s’étend sur 1 700 hectares, au cœur de la chaîne des Alpilles. Sa mention AOP, délivrée par l’Institut national des appellations d’origine, en étroite collaboration avec des comités de dégustation locaux, permet de certifier la qualité du produit mais aussi l’authenticité de sa région d’origine. Des garanties non négligeables quand on voit aujourd’hui le marché hyper-compétitif (et pas toujours vertueux) de l’huile d’olive. En effet, si la production d’huile de la vallée des Baux représente aujourd’hui la première production française, elle n’est qu’une infime goutte dans l’océan des huiles méditerranéennes, espagnole en tête. A elle seule, l’Espagne est le premier producteur au monde d’huile d’olive avec plus d’1,6 million de tonnes d’huile produites en 2012.
Dans la vallée des Baux, les chiffres sont sans commune mesure : 350 tonnes la même année ! Pour résister, la petite goutte doit donc se vendre comme un nectar, précieux et…cher. En produisant en AOP, ou en bio, ou les deux… Certains oléiculteurs développent même des grands crus comme Le Moulin Castelas et son huile rare, issue d’une seule variété d’olive, « Le Seigneur des Baux » et vendu à près de 65 euros le litre. D’autres misent sur le packaging et cherchent à vendre leur huile d’olive dans des flacons de parfums, hissant le breuvage au titre de produit de luxe. Un positionnement plutôt destiné à une clientèle étrangère américaine ou japonaise.
En visite dans la région, on réalise à quel point cette culture, si elle est ancestrale, demeure fragile. Déjà, les productions sont extrêmement variables d’une année sur l’autre. De 1 100 tonnes d’huiles produites en 2008, on est passé à 350 tonnes en 2012. Des variations de bénéfices considérables pour les producteurs qui commencent à pouvoir vivre de leur huile, s’ils en produisent plus de 5 000 litres. Ils sont donc très rares à pouvoir en vivre exclusivement : soit seulement 15 oléiculteurs sur les 1 300 présents dans la vallée des Baux. Les autres vont chercher des revenus complémentaires dans le maraîchage ou l’élevage. La flambée de l’immobilier dans la région (compter de 1 à 2 millions d’euros pour un mas de prestige) et la spéculation sur les pieds d’olivier ne sont pas non plus étrangers à ces difficultés économiques. Un droit de fermage existe cependant sur les rares grandes propriétés de l’olive (les parcelles sont souvent petites).
Pour survivre, l’huile des Baux de Provence a donc tout intérêt à s’ouvrir aux voyageurs, à se raconter et s’expliquer. Sur le modèle des vignerons, on invente donc des routes de l’olivier et certains rêvent de foires à l’olive comme dans les foires aux vins, pour écouler les stocks (l’huile d’olive se conserve peu) mais aussi tout simplement partager l’huile nouvelle. Fruit d’un savant assemblage aux gammes aromatiques très variées, reflet de petites productions qui cherchent à maintenir un savoir-faire et un territoire, l’huile d’olive de la vallée des Baux a donc de quoi se défendre… Surtout dans l’assiette !
Dans la vallée, l’huile d’olive occupe assurément le devant de l’assiette. D’abord parce qu’elle est reconnue comme un exhausteur de goût naturel qui donne du relief à chacune des composantes d’un plat. Ensuite parce que les recettes ne manquent pas en terre de Provence.Que l’on parle d’Aioli, de socca, de brandade de morue, de pistou, de bouillabaisse ou de raratouille, l’huile d’olive saura assaisonner n’importe quelle recette du soleil. Et dans la Vallée des Baux, l’huile connait une richesse aromatique particulièrement grande. Les connaisseurs parlent notamment de fruité vert et de fruité noir. Le premier, avec ses notes d’artichaut, de tomate verte et d’amande viendra particulièrement relever le cru ou l’à peine cuit (tartare, carpaccio, poisson en papillote ou légumes vapeur). Le fruité noir, plus doux, avec ses notes de champignons, de cacao et de pain au levain agrémentera quant à lui parfaitement un écrasé de pommes de terre ou de simples fraises (si si… puisqu’on vous le dit ;-).
Si vous voulez déguster de belles huiles parmi les tables les plus reconnues (et pas les moins chères ;-) de la région, vous pouvez vous rendre à l’Oustau de Baumanière ou au Cabro d’Or, deux hôtels étoilés des Baux référencés au guide Michelin. Des cours de cuisine y sont également proposés afin de découvrir la gastronomie locale au milieu d’un mas provençal entourés d’oliviers centenaires. Autre destination gourmande et bien plus populaire : Mouriès, première commune oléicole de France située à quelques kilomètres des Baux. Ici, la tradition oléicole a donné aux habitants le goût de la fête. On vient d’ailleurs parfois de loin pour célébrer l’huile nouvelle ! Depuis vingt ans, chaque année, le premier week-end de décembre, les douze mouliniers AOP de la région viennent y faire déguster leur nouvelle cuvée et rendre hommage à l’olivier. Visites du moulin, concours, expositions et cours de dégustation sont proposées au Moulin coopératif de Mouriès pendant qu’au cœur du village a eu lieu le championnat international de casseurs d'olive. Le record de 2010 a été remporté par une mouriésaine avec 181 olives cassées en 3 minutes ! Peuchère diraient les Provençaux !
Un plus loin, toujours en Provence, c’est carrément une confrérie à Nyons, qui chaque année célèbre son huile locale. Depuis 1993, La Confrérie des Chevaliers de l’olivier de Nyons arbore donc capes de velours couleur vert olive et chapeau piqué d’un rameau. Elle part aussi prêcher en France mais aussi à l’étranger la bonne parole de l’olivier. De nouvelles confréries ont ainsi été parrainées en France mais aussi en Espagne. Dans la vallée des Baux, point de confrérie mais la tradition est bel et bien là ! Vous verrez, au beau milieu de la place du village, sur un simple bout de pain, mmmmmm, l’huile d’olive des Baux a vraiment le goût de sa vallée et de ceux qui la peuplent : authentique.
-Pour préparer un séjour dans la vallée des Baux-de-Provence, regardez le site de Visitprovence ainsi que celui du village des Baux-de-Provence
-Pour être imbattable en huile d’olive de la région, n’hésitez pas à aller sur le site de l’AOC/AOP des Baux
-Découvrez ici l’une de nos huiles coup de cœur du Moulin Castelas
-Partez aussi sur le chemin des oliviers établi par le Parc naturel des Alpilles, disponible en ligne ici
-Plongez vous enfin dans la lecture du Guide de l'amateur de l'huile d’olive 2014 édité par le Petit Futé
Page réalisée par Céline Develay-Mazurelle avec Stéphanie Labadie
Crédits Photo: Moulin Castelas, J.Nicolas, S.Labadie, Marianne Casamance, Peter Curbishley, Véronique Pagnier, El Bibiliomata
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1 Comments
Magnifique et très instructif.Merci
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